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Edito: La guerre du pétrole

Mardi, 30 décembre 2014

Pour la première fois depuis des années, le prix du baril du pétrole a reculé d’environ 50 % sur les marchés internationaux, passant de 115 dollars en juin dernier à moins de 60 dollars actuellement. Ce recul des prix est dû au ralentissement de l’activité écono­mique dans les pays fortement consom­mateurs, notamment la Chine. Mais la baisse est surtout due à l’arrivée sur les marchés internationaux du pétrole de schiste américain, un pétrole léger qu’on trouve dans des formations géologiques poreuses de faible perméabilité, souvent du schiste ou du grès. Les techniques de production de ce pétrole, basées sur le forage de puits horizontaux et la fractu­ration hydraulique, ont considérable­ment évolué au cours des dernières années, permettant une exploitation massive.

La baisse des cours affecte bien entendu les pays producteurs comme l’Arabie saoudite dont les budgets sont directement liés au cours du brut. Avec un budget calculé sur la base d’un baril de pétrole à 110 dollars, le Royaume wahhabite peut déjà s’attendre à un déficit de 39 milliards de dollars pour 2015. Les Saoudiens et d’autres pays de l’Opep refusent pourtant de baisser leur production pour stabiliser les prix. « L’Opep ne coupera pas sa production quelle que soit la baisse des prix », a déclaré sur un ton ferme le ministre saoudien du Pétrole, Al-Nouaïmi. L’Arabie saoudite, qui possède l’un des coûts de production les moins élevés au monde (autour de 10 dollars), est enga­gée en effet dans un véritable bras de fer avec les Américains. Riyad sait que si les prix continuent à baisser, ce sont les autres pays producteurs, ayant des coûts d’exploitation plus élevés, qui seront amenés à stopper leur produc­tion. C’est le cas notamment de la Russie, du Brésil et de certains pays africains. Riyad est prêt à aller jusqu’au bout dans la guerre des prix pour rendre non rentable la production du pétrole de schiste américain, et forcer les compagnies américaines à cesser leur activités. Avec un baril à 60 dollars, certaines de ces compagnies ont déjà du mal à se maintenir. Les grandes réserves monétaires du Royaume lui permettent de tenir quelques mois, voire quelques années avec un pétrole à 50 dollars.

La question est cependant de savoir jusqu’où ira cette guerre des prix ? Si Riyad persiste, les prix du brut pour­raient chuter jusqu’à 40 dollars le baril, voire plus bas. Et dans ce cas, les pre­mières victimes seront les producteurs en mer du Nord, en Afrique, en Russie et … aux Etats-Unis.

La baisse des prix du brut va d’autre part faire le bonheur des pays qui achè­tent du pétrole en dollar comme la France ou la Grande-Bretagne.

Premier pays producteur de pétrole à l’échelle mondiale, l’Arabie saoudite use de son poids économique exceptionnel pour défendre ses intérêts. Le Royaume l’a déjà fait à plusieurs reprises dans le passé. En 1986, il avait utilisé la même stratégie en faisant passer les cours de 30 à 10 dollars en l’espace de 6 mois pour stopper la production en mer du Nord où les coûts de production étaient plus élevés. Quelles que soient les conséquences de cette stratégie saoudienne, il est certain que les prix du brut reviendront à des taux plus nor­maux, car un pétrole à 60 dollars ne peut, sur le long terme, être favorable ni à l’Arabie saoudite ni aux producteurs américains de pétrole de schiste.

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