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Le Sinaï et le terrorisme

Mardi, 18 novembre 2014

L’Egypte mène au Sinaï la plus vigou­reuse campagne anti-terroriste, jamais entreprise dans le pays. L’attentat du 24 octobre dernier, qui a coûté la vie à 31 mili­taires, a été le déclencheur de cette large offensive aux moyens musclés, dont la créa­tion d’une zone tampon de 500 mètres de largeur, le long des 14 km de frontière avec la bande de Gaza.
Le but étant de mieux contrôler cette zone frontalière, lieu de contrebande en tous genres, notamment le com­merce illicite d’armes et le déplacement de terroristes. La sophistication de l’attentat du 25 octobre a convaincu les autorités égyptiennes de l’exis­tence d’une aide étrangère aux groupes djihadistes opérant dans le Sinaï, via la bande de Gaza. Bien qu’aucune organisa­tion terroriste n’a été officielle­ment montrée du doigt, l’« Etat islamique » a été souvent cité pour avoir pris des contacts et tenté d’apporter une assistance, dans la préparation d’attentats, au groupe terroriste Ansar Beit Al-Maqdess, le plus dangereux en Egypte aujourd’hui. La région frontalière avec la bande de Gaza a, donc, été en ligne de mire des autorités égyptiennes depuis déjà plusieurs mois. D’où l’idée d’une zone tampon au nord-est de Sinaï, dont l’éta­blissement nécessite la démoli­tion de 802 maisons et le dépla­cement de 1 156 familles.
Selon des sources de sécurité, l’opération de rasage de cette région a fait découvrir jusqu’ici 117 tunnels de contrebande. Sans parler des centaines d’autres qui avaient été détruits par l’armée ces derniers mois. Les mesures militaires et sécu­ritaires sont, certes, nécessaires pour juguler la vague terroriste dans la péninsule du Sinaï. Mais une solution à long terme doit s’attaquer également aux sources multiformes, écono­miques et sociales, du mal. La première réside dans le retard économique de la péninsule qui, malgré des promesses gou­vernementales répétées, souffre d’un déficit de développement économique. Le Sinaï a été sou­vent l’objet de l’attention des gouvernements dès lors que des actes terroristes y sont perpé­trés. Cette attention se traduit souvent par l’annonce d’alloca­tions financières destinées à créer des projets de développe­ment et des emplois pour résor­ber le taux important de chô­mage. Mais ces projets sont rarement menés à leur terme ou tombent souvent aux oubliettes, une fois la sécurité rétablie. En attendant une nouvelle explo­sion.

L’un des obstacles à l’éradi­cation du terrorisme au Sinaï se trouve dans le commerce illicite des produits, dont les armes, via les tunnels avec la bande de Gaza. Or, cette activité illégale représente une source de « gagne-pain » importante pour plusieurs membres des tribus bédouines, à un moment où le taux de pauvreté atteint 45 % au Sinaï, selon les chiffres de 2013 du Fonds social pour le déve­loppement. Dans ces condi­tions, une lutte sécuritaire contre le terrorisme ne peut être efficace que si elle s’accom­pagne d’un plan de développe­ment économique bien précis, et selon un calendrier bien éta­bli, qui compense les pertes financières occasionnées par la destruction des tunnels de contrebande. La négligence gouvernementale touche aussi, et surtout les infrastructures et les services de base, telles la santé et l’éducation, pourtant nécessaires pour mieux lier les bédouins à leur patrie et renfor­cer leur sentiment de citoyen­neté.

La vision presque exclusive­ment sécuritaire dans le traite­ment des affaires du Sinaï et le sentiment d’être des laissés-pour-compte de plusieurs jeunes bédouins poussent cer­tains d’entre eux à épouser l’extrémisme religieux et l’usage de la violence contre l’Etat et ses représentants. Aidé par une géographie escar­pée et un voisinage – la bande de Gaza – favorable à l’expan­sion de l’extrémisme et du ter­rorisme, le militantisme isla­miste au Sinaï serait difficile à mater sans un plan global, s’inscrivant dans la durée, qui prend en considération aussi bien les aspects sécuritaires qu’économiques et sociaux de la situation particulière de la péninsule.

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