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L’Egypte et la realpolitik

Mardi, 21 octobre 2014

L’Egypte et le Hamas s’acheminent vers la normalisation de leurs rapports. C’est ce qui semble ressortir des récents développements politiques, dont le dernier en date est la conférence internationale sur la reconstruction de la bande de Gaza, tenue au Caire le 12 octobre.

Alors que les mois qui ont suivi la destitution de Mohamad Morsi, le 3 juillet 2013, ont été marqués par une tension extrême entre les nouvelles autorités du Caire et le Hamas, en raison des liens étroits entre les Frères musulmans et le mou­vement islamiste palestinien, qui contrôle la bande de Gaza, les deux parties semblent opter dernièrement pour un réalisme politique dicté par les intérêts de chacune d’elles. Le Hamas était le premier à afficher cette volonté de changement, obser­vée notamment à la suite de la fin de l’agression israélienne contre la bande de Gaza en août dernier. La rhétorique nouvelle des maîtres de Gaza traduit une volonté de faire baisser la ten­sion avec Le Caire, d'oublier l’épisode des Frères musulmans et de tourner la page avec l’Egypte. Par ricochet, les médias proches du Hamas ont réduit, ou cessé, leurs critiques à l’adresse du nouveau régime égyptien, alors que les prê­cheurs dans les mosquées, éga­lement proches du mouvement islamiste, ont été enjoints d’ar­rêter leurs critiques de la poli­tique de l’Egypte et d’éviter les sujets polémiques avec elle. La volonté palestinienne de tourner la page a été bien captée au Caire. Il s’en est suivi un nou­veau climat de détente qui com­mence à s’installer.

On remarque ainsi chez la partie égyptienne un début de changement de ton à l’égard du mouvement islamiste palesti­nien. Un responsable de sécu­rité égyptien, qui a requit l’anonymat, a récemment indi­qué que l’Egypte a remarqué, après la fin de l’offensive israélienne, que le Hamas a imposé un meilleur contrôle de la frontière avec l’Egypte, et souligné l’existence d’une coordination sécuritaire avec la partie palestinienne, qui s’est traduite, selon lui, par un calme relatif dans le Sinaï. La volonté d’ouvrir un nouveau chapitre dans les rapports bila­téraux n’exclut toutefois pas la persistance de divergences, nées de visions idéologiques éloignées. Mais les deux par­ties semblent décidées, par pragmatisme, à poursuivre sur cette voie et à retrouver une relation de travail normale. Le Hamas a le plus besoin d’un retour à la normale avec l’Egypte, principal médiateur et mentor de la question pales­tinienne, mais aussi seule porte sur le monde extérieur pour la bande de Gaza. L’affaiblissement du Hamas, dû aux derniers développe­ments dans la région, notam­ment la chute des Frères musulmans en Egypte et la perte du soutien du régime syrien, l’est obligé à réorienter sa politique, en recherchant de meilleurs rapports avec l’Egypte, mais aussi avec son rival, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, avec qui il a récemment conclu un accord de réconciliation et de formation d’un gouvernement d’union nationale.

L’Egypte a, de son côté, inté­rêt à retrouver une relation de travail normale avec une faction palestinienne incontournable, qui contrôle toujours, malgré la formation du gouvernement d’union nationale, la bande de Gaza, voisine du Sinaï. Lequel est en proie à un militantisme islamiste et à une activité terro­riste, dont les liens avec l’en­clave palestinienne ne sont pas à démontrer. Le Caire a, égale­ment, intérêt à éviter, après l’at­taque israélienne, davantage de détérioration des conditions de vie des Palestiniens et une éven­tuelle explosion sociale à Gaza, lourde de conséquences y com­pris pour l’Egypte. D’où sa co-organisation, avec la Norvège, de la conférence sur la recons­truction de Gaza. L’Egypte, enfin, qui tient à son rôle régio­nal, à sa stature et à son influence politique dans le monde arabe et au Moyen-Orient, ne peut pas, malgré ses difficultés internes, se désinté­resser de la cause palestinienne. Traiter avec le Hamas, ou toute autre faction palestinienne qui ne partage pas forcément les orientations du Caire, serait alors une nécessité dictée par les propres intérêts de l’Egypte.

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