L’Egypte et le Hamas s’acheminent vers la normalisation de leurs rapports. C’est ce qui semble ressortir des récents développements politiques, dont le dernier en date est la conférence internationale sur la reconstruction de la bande de Gaza, tenue au Caire le 12 octobre.
Alors que les mois qui ont suivi la destitution de Mohamad Morsi, le 3 juillet 2013, ont été marqués par une tension extrême entre les nouvelles autorités du Caire et le Hamas, en raison des liens étroits entre les Frères musulmans et le mouvement islamiste palestinien, qui contrôle la bande de Gaza, les deux parties semblent opter dernièrement pour un réalisme politique dicté par les intérêts de chacune d’elles. Le Hamas était le premier à afficher cette volonté de changement, observée notamment à la suite de la fin de l’agression israélienne contre la bande de Gaza en août dernier. La rhétorique nouvelle des maîtres de Gaza traduit une volonté de faire baisser la tension avec Le Caire, d'oublier l’épisode des Frères musulmans et de tourner la page avec l’Egypte. Par ricochet, les médias proches du Hamas ont réduit, ou cessé, leurs critiques à l’adresse du nouveau régime égyptien, alors que les prêcheurs dans les mosquées, également proches du mouvement islamiste, ont été enjoints d’arrêter leurs critiques de la politique de l’Egypte et d’éviter les sujets polémiques avec elle. La volonté palestinienne de tourner la page a été bien captée au Caire. Il s’en est suivi un nouveau climat de détente qui commence à s’installer.
On remarque ainsi chez la partie égyptienne un début de changement de ton à l’égard du mouvement islamiste palestinien. Un responsable de sécurité égyptien, qui a requit l’anonymat, a récemment indiqué que l’Egypte a remarqué, après la fin de l’offensive israélienne, que le Hamas a imposé un meilleur contrôle de la frontière avec l’Egypte, et souligné l’existence d’une coordination sécuritaire avec la partie palestinienne, qui s’est traduite, selon lui, par un calme relatif dans le Sinaï. La volonté d’ouvrir un nouveau chapitre dans les rapports bilatéraux n’exclut toutefois pas la persistance de divergences, nées de visions idéologiques éloignées. Mais les deux parties semblent décidées, par pragmatisme, à poursuivre sur cette voie et à retrouver une relation de travail normale. Le Hamas a le plus besoin d’un retour à la normale avec l’Egypte, principal médiateur et mentor de la question palestinienne, mais aussi seule porte sur le monde extérieur pour la bande de Gaza. L’affaiblissement du Hamas, dû aux derniers développements dans la région, notamment la chute des Frères musulmans en Egypte et la perte du soutien du régime syrien, l’est obligé à réorienter sa politique, en recherchant de meilleurs rapports avec l’Egypte, mais aussi avec son rival, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, avec qui il a récemment conclu un accord de réconciliation et de formation d’un gouvernement d’union nationale.
L’Egypte a, de son côté, intérêt à retrouver une relation de travail normale avec une faction palestinienne incontournable, qui contrôle toujours, malgré la formation du gouvernement d’union nationale, la bande de Gaza, voisine du Sinaï. Lequel est en proie à un militantisme islamiste et à une activité terroriste, dont les liens avec l’enclave palestinienne ne sont pas à démontrer. Le Caire a, également, intérêt à éviter, après l’attaque israélienne, davantage de détérioration des conditions de vie des Palestiniens et une éventuelle explosion sociale à Gaza, lourde de conséquences y compris pour l’Egypte. D’où sa co-organisation, avec la Norvège, de la conférence sur la reconstruction de Gaza. L’Egypte, enfin, qui tient à son rôle régional, à sa stature et à son influence politique dans le monde arabe et au Moyen-Orient, ne peut pas, malgré ses difficultés internes, se désintéresser de la cause palestinienne. Traiter avec le Hamas, ou toute autre faction palestinienne qui ne partage pas forcément les orientations du Caire, serait alors une nécessité dictée par les propres intérêts de l’Egypte.
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