Jeudi, 19 septembre 2024
Opinion > Opinion >

L'Egypte réintégrera-t-elle l'Union africaine en juin  ?

Lundi, 19 mai 2014

L’action de la diplomatie égyptienne commence à porter ses fruits en Afrique. L’annonce récente du président de la Guinée équatoriale, Teodoro Obiang Nguema, dont le pays accueille, fin juin, le prochain sommet de l’Union Africaine (UA), qu’il adressera une invitation à cette rencontre, au prochain président égyptien, en est l’un des signes les plus concrets.

L’Egypte s’était mobilisée au plus haut niveau depuis sa suspension des activités de l’UA, le 5 juillet 2013, au lendemain de la destitution du président Mohamad Morsi, pour retrouver sa place au sein de l’organisation panafricaine. Ainsi, le chef de la diplomatie égyptienne, Nabil Fahmi, et son assistant pour les affaires africaines, Hamdi Sanad Loza, ont sillonné les quatre coins du continent pour plaider la cause de l’Egypte et expliquer à leurs interlocuteurs que la destitution de Morsi était en application de la volonté populaire, exprimée par des manifestations massives, et n’était pas une « interruption de l’ordre constitutionnel ». L’UA n’avait en effet jamais utilisé le terme « coup d’Etat » pour qualifier l’éviction de Morsi. Elle a par contre estimé que sa destitution ne suivait pas les règles énoncées dans la Constitution pour un changement du chef de l’Etat, et demandé un « retour à l’ordre constitutionnel ». Cette restauration de l’ordre constitutionnel, dans l’esprit des responsables de l’UA, ne signifiait pas le retour de Morsi au pouvoir— une hypothèse qu’ils ont comprise complètement dépassée et irréalisable—, mais un retour à une situation politique normale, c’est-à-dire la mise en place d’institutions constitutionnelles démocratiquement élues (président, Parlement et gouvernement représentatif).

Les efforts du Caire se sont accélérés et ont pris de la consistance avec le progrès dans l’application de la feuille de route, annoncée le 3 juillet, destinée à assurer une transition démocratique, après la chute des Frères musulmans. La première étape accomplie sur cette voie fut l’approbation par référendum populaire, le 15 janvier, d’une nouvelle Constitution. Le deuxième pas consiste dans la tenue, en de bonnes conditions, du scrutin présidentiel, prévu les 26 et 27 mai, qui dotera le pays d’un président élu. La troisième et dernière étape, pour un retour à une situation politique et constitutionnelle normale, est l’organisation d’élections législatives, attendues en automne. L’approche de la tenue de la présidentielle et de l’organisation du prochain sommet africain a donné de l’élan à la diplomatie égyptienne. C’est dans ce contexte que le premier ministre, Ibrahim Mahlab, s’est rendu en visite, accompagné d’une importante délégation ministérielle, à Malabo, capitale de la Guinée équatoriale, pour assurer l’invitation du prochain président égyptien au sommet de l’UA et faire en sorte que la réintégration de l’Egypte au sein de l’organisation continentale soit incluse dans l’ordre du jour de cette rencontre. C’est chose faite.

Dans le même cadre, l’UA a accepté d’envoyer une délégation d’observation de l’élection présidentielle. Les premiers de ces observateurs, au nombre total de 43, ont commencé à arriver au Caire dès vendredi dernier. L’envoi d’observateurs africains n’était pourtant pas chose facile et a nécessité d’intenses efforts égyptiens auprès des gouvernements du continent. Le diplomate nigérian qui assure la présidence tournante du Conseil de Paix et de Sécurité de l’UA (CPS), Paul Lolo Bolus, avait fait circuler un mémorandum confidentiel avant la tenue d’une réunion de l’exécutif africain le 16 avril dernier, dans lequel il recommandait aux membres de cette instance de s’abstenir d’envoyer une délégation d’observateurs à la présidentielle égyptienne en raison de la candidature de l’ancien ministre de la Défense, Abdel-Fattah Al-Sissi. Pour Bolus, la candidature de Sissi contrevient à la charte de l’UA, car, selon lui, il avait mené « un coup d’Etat » contre un président démocratiquement élu. La recommandation du président du CPS a été finalement rejetée par les Etats membres.

L’Egypte cherche à retrouver rapidement, dès le mois prochain, sa place à l’UA, à la faveur de la participation attendue du prochain chef d’Etat au sommet de Malabo. Pour y parvenir, il lui faudra surmonter les dernières réticences exprimées par certains responsables ou Etats membres de l’UA, à commencer par la présidente de la Commission africaine, la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, qui avait déclaré le 10 avril que l’Egypte retrouvera sa place après l’application de la feuille de route, autrement dit après l’élection d’un Parlement et la formation d’un gouvernement qui en est issu. Cette position de principe souffre cependant de faiblesse, car elle n’a pas été appliquée systématiquement sur tous les Etats africains qui avaient souffert d’une « interruption de l’ordre constitutionnel ». Ce fut le cas du Mali, qui a été suspendu de l’UA en mars 2013 à la suite d’un coup d’Etat qui avait renversé le président, puis réadmis en octobre de la même année, après la formation d’un gouvernement intérimaire, et sans attendre la tenue d’élections générales et la normalisation de la situation politique et institutionnelle dans le pays. L’Egypte compte exploiter cette faiblesse et table sur l’avis favorable à son retour d’une majorité d’Etats, malgré l’objection formulée par d’autres.

Les responsables égyptiens ne cachent pas leurs soupçons sur les positions d’obstruction qu’adoptent deux Etats africains importants, le Nigeria et l’Afrique du Sud. Lors du débat au sein du CPS, le 5 juillet 2013, sur la décision à prendre à la suite de la destitution de Morsi, les pays de l’Afrique australe, zone d’influence de Pretoria, étaient ceux qui avaient plaidé le plus fermement pour la suspension de l’Egypte de l’UA. Poids lourds de la politique continentale, l’Afrique du Sud et le Nigeria sont des concurrents de l’Egypte en Afrique. Tous les trois rivalisent, à titre d’exemple, pour occuper des sièges de membres permanents, représentant l’Afrique, dans un futur Conseil de sécurité de l’Onu, réformé et élargi. Cette réforme tant attendue de l’exécutif onusien est en débat depuis plusieurs années à l’organisation internationale.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique