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Mahfouz rencontre Marquez

Lundi, 28 avril 2014

Notre éminent homme de lettres Naguib Mahfouz n’a pas rencontré le romancier colombien feu Gabriel Garcia Marquez ; mais ils ont eu la chance de s’entretenir par mon intermédiaire. Cela à travers deux lettres qu’ils se sont échangées dans deux occasions distantes.

A la fin de l’année 1994, lorsque ceux qui prétendaient être à tort des musulmans ont commis la tentative d’assassinat manquée contre notre grand écrivain, Mahfouz a reçu une lettre écrite de la main de Gabriel Garcia Marquez de deux pages en espagnol, accompagnée d’une traduction anglaise. Lorsque je l’ai lue à Naguib Mahfouz il a été touché par les cordiales félicitations que Garcia faisait à la littérature arabe, car Mahfouz était sain et sauf. Il avait écrit littéralement : « Les rayons du soleil prennent toujours le dessus sur les nuages, même s’ils sont sombres et prévoyant une pluie abondante ». Marquez avait pris soin de parler de l’apport que porte Naguib Mahfouz aux lettres mondiales et l’a incité à continuer coûte que coûte.

L’autre occasion a suivi la première d’environ 10 ans, lorsque j’étais en visite aux Etats-Unis où Marquez possédait une maison et où il passait la moitié de l’année. Mahfouz m’a alors demandé de ne pas partir avant qu’il ne me dicte une lettre pour Marquez. A ce moment-là, c’était Marquez qui passait par une crise, alors que lors de la précédente lettre c’était Mahfouz. On répétait dans les milieux littéraires que Marquez avait perdu l’habilité de l’écriture et qu’il ne pouvait faire de quelconque apport à sa production littéraire. Mahfouz a alors voulu le soutenir et l’inciter à poursuivre son itinéraire. Dans la lettre écrite que Mahfouz a insisté à signer de sa main tremblante, et que j’avais traduite vers l’anglais, il disait à Marquez d’écrire coûte que coûte. Il lui a parlé comme un ami ou un frère, en lui disant : « Pour tenir votre plume, vous n’avez pas besoin d’avoir quelque chose à écrire. Tenez votre plume quand même et écrivez n’importe quoi. Ne la laissez surtout pas tomber, car elle donnera sûrement naissance à votre prochain roman ou nouvelle. L’écriture est une habitude. Si vous la quittez, elle vous quitte ».

Je me souviens que j’avais demandé à Naguib Mahfouz en commentaire à ses nombreuses rencontres avec un nombre d’hommes de lettres qui affluaient continuellement en Egypte, qui était l’écrivain qu’il n’avait jamais rencontré et qu’il désirait rencontrer. Il répondit sans attendre : Marquez. Mais jusqu’à la mort de notre grand écrivain en 2006, il ne l’avait pas rencontré. Ni Marquez n’avait visité l’Egypte, ni Mahfouz ne l’avait quittée. Le destin les a fait croiser en 2014 loin de l’Egypte et loin de toute autre destination .

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