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Que risque Israël après la décision de la CPI  ?

Mercredi, 27 novembre 2024

C’est une première. Le dirigeant d’un Etat allié à l’Occident, le premier ministre d’Israël, Benyamin Netanyahu, s’est vu délivrer le 21 novembre un mandat d’arrêt par la Cour Pénale Internationale (CPI) pour des crimes de guerre et contre l’humanité commis contre la population palestinienne dans la bande de Gaza.

Le tribunal a également émis des mandats d’arrêt contre son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, et le chef militaire du Hamas, Mohammed Deif, qu’Israël a affirmé avoir tué en juillet dernier.

Un panel de trois juges de la CPI a indiqué avoir trouvé des motifs raisonnables que Netanyahu et Gallant « portent une responsabilité pénale pour le crime de guerre de famine en tant que méthode de guerre et les crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains ». Il a déclaré que les deux hommes portent une responsabilité pénale « pour le crime de guerre consistant à diriger intentionnellement une attaque contre la population civile ». Le tribunal a également annoncé que Netanyahu et Gallant « avaient intentionnellement et sciemment privé la population civile de Gaza d’objets indispensables à sa survie », notamment de la nourriture, de l’eau, des médicaments, du carburant et de l’électricité. Concernant le crime de guerre de famine, la CPI a souligné que « le manque de nourriture, d’eau, d’électricité et de carburant et de fournitures médicales spécifiques a créé des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d’une partie de la population civile à Gaza. Cela a provoqué la mort de civils, y compris d’enfants, en raison de la malnutrition et de la déshydratation ».

La CPI est compétente à la fois pour les crimes de génocide, contre l’humanité, de guerre et d’agression commis par un ressortissant d’un pays membre et pour les mêmes crimes commis sur le territoire d’un Etat membre. Alors qu’Israël n’est pas signataire du Statut de Rome créant la CPI en juillet 2002, la Palestine y a adhéré en 2015 et le tribunal a statué en 2021 qu’elle était un Etat, étendant ainsi la compétence de la cour aux territoires occupés par Israël depuis 1967— Gaza et la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Bien que la CPI ait compétence sur le crime de génocide, les accusations portées contre les dirigeants israéliens excluaient ce crime, actuellement examiné par la Cour Internationale de Justice (CIJ) dans une plainte déposée par l’Afrique du Sud contre Israël en décembre. Les deux tribunaux basés à La Haye ont ainsi des mandats différents: la CIJ, principal organe judiciaire de l’ONU, règle les différends juridiques entre Etats, alors que le CPI poursuit des individus pour les crimes précités.

La décision du 21 novembre constitue un tournant historique car la CPI n’a jamais, en plus de 21 ans d’existence, inculpé un responsable pro-occidental; ce que lui a valu des accusations d’instrumentalisation de la justice au profit des puissances occidentales. Celles-ci, qui soutiennent Israël, y compris par des armes, se trouvent aujourd’hui sous pression car elles sont légalement tenues d’arrêter Netanyahu et Gallant s’ils mettent le pied sur leur territoire. Il s’agit principalement des Etats de l’Union Européenne (UE) et du Royaume-Uni, tous membres de la CPI, qui avaient fermement appuyé le tribunal lorsqu’il a émis en mars 2023 un mandat d’arrêt contre le président russe, Vladimir Poutine, pour crime de guerre en Ukraine. Il leur est difficile aujourd’hui de rejeter la décision de la CPI, au risque de confirmer les accusations qui leur sont portées de pratiquer une politique de deux poids, deux mesures.

Même s’il est improbable, voire exclu, que ces Etats arrêtent Netanyahu ou Gallant en vue de les remettre à la CPI pour qu’ils soient jugés, ceux-ci restreindraient leurs déplacements dans les pays de l’UE, du moins pour éviter de mettre ces derniers dans l’embarras. Ils suivraient ainsi l’exemple de Poutine qui a réduit ses voyages à l’étranger après l’émission du mandat d’arrêt. Cette conséquence attendue de la décision de la CPI confirmera l’isolement diplomatique croissant de l’Etat hébreu sur la scène internationale. 124 Etats sont membres de la CPI et sont tenus de respecter ses décisions, même si certains ne le font pas pour des considérations politiques.

La décision de la CPI peut également renforcer les contestations judiciaires exigeant un embargo sur les armes à Israël, car de nombreux Etats ont des dispositions juridiques contre la vente d’armes à des gouvernements qui pourraient les utiliser d’une manière qui viole le droit international humanitaire.

Autre conséquence possible de la décision de la CPI: des poursuites judiciaires peuvent être engagées contre d’autres citoyens israéliens, en particulier des ressortissants à double nationalité dans les pays européens. Toute autre personne impliquée dans les crimes précités peut être traduite en justice au niveau national mais aussi au niveau international.

Enfin, les mandats d’arrêt contre Netanyahu et Gallant sont de nature à renforcer la position de l’Afrique du Sud concernant la plainte qu’elle a déposée devant la CIJ accusant Israël de génocide à Gaza, étant donné que ce tribunal tient compte des jugements d’autres cours de justice .

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