Vendredi, 06 décembre 2024
Opinion > Opinion >

Trump et les pays du Golfe

Mercredi, 20 novembre 2024

Le retour au pouvoir de Donald Trump aux Etats-Unis est bien accueilli par les Etats pétroliers du Golfe. Mais cet optimisme n’est pas dénué d’un certain degré d’incertitude, voire d’inquiétude.

Si le premier mandat de Trump est une indication de la trajectoire future des relations entre les Etats-Unis et les pays du Conseil de coopération du Golfe, notamment leur chef de file l’Arabie saoudite, l’optimisme dans les perspectives de son second mandat semble compris. Au cours du mandat précédent, les relations entre les deux parties dans des domaines tels que les ventes d’armes et la coopération économique ont connu des progrès significatifs. Les responsables des riches monarchies du Golfe ont apprécié l’approche transactionnelle et très personnelle de Trump en matière de politique étrangère en raison de sa similitude avec la manière dont ils nouent des relations et font des affaires sur la scène internationale. En outre, de hauts responsables en Arabie saoudite et dans d’autres pays du Golfe ont maintenu des relations d’affaires étroites avec Trump et son entourage au cours des quatre dernières années, ce qui pourrait être de bon augure pour leur capacité à conclure des accords avec sa prochaine Administration. A titre d’exemple, le gendre de Trump, Jared Kushner, a obtenu un investissement de 2 milliards de dollars d’un fonds saoudien pour sa société de capital-investissement six mois après le départ de Trump de la Maison Blanche en janvier 2021.

Revers de la médaille, les dirigeants du Golfe s’inquiètent de l’imprévisibilité de Trump et de la question de savoir si ses politiques pourraient alimenter une plus grande instabilité au Moyen-Orient. En effet, le retour de Trump fait suite à des changements géopolitiques importants dans la région et rien n’indique que la nouvelle Administration parviendra à s’adapter au nouvel environnement. Contrairement à la conjoncture du premier mandat, lorsque l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis (EAU) ont fait pression sur les Etats-Unis pour qu’ils soutiennent leur blocus du Qatar, quittent l’accord nucléaire avec l’Iran et imposent une « pression maximale » sur Téhéran, les monarchies du Golfe ont cherché ces dernières années à régler leurs différends par la diplomatie. Cela a abouti au règlement du conflit avec le Qatar et à une détente avec l’Iran. Si Trump reprend sa politique de « pression maximale », cherchant à étouffer les exportations pétrolières de l’Iran, Riyad et Abu-Dhabi seront inquiets de l’impact que cela pourrait avoir sur leur sécurité, car ils avaient subi des représailles iraniennes en riposte à cette politique lors du premier mandat de Trump.

La politique de « pression maximale » consistait à se retirer de l’accord sur le nucléaire avec l’Iran et à lui imposer de lourdes sanctions économiques. Bien que l’Arabie saoudite et les EAU aient salué à l’époque cette approche, celle-ci n’a finalement pas réussi à contrer les activités déstabilisatrices de Téhéran et a incité l’Iran et ses partenaires régionaux à « punir » ces Etats en attaquant les infrastructures pétrolières saoudiennes en 2019, et plus tard les EAU. En conséquence, les pays du Golfe qui soutenaient la politique belliciste de Trump se sont rendu compte qu’ils étaient en première ligne de la confrontation régionale avec l’Iran et qu’ils souffriraient le plus de cette campagne de pression, ce qui signifie que la politique de Trump les a finalement laissés plus vulnérables qu’en sécurité. Avec le retour de Trump à la Maison Blanche, ces pays du Golfe ne veulent pas être entraînés dans une confrontation avec l’Iran, avec lequel ils ont récemment réparé leurs relations afin de désamorcer les tensions et d’améliorer la stabilité dans la région. Ils ne veulent pas non plus être pris dans les tirs croisés entre l’alliance américano-israélienne et l’Iran.

Sur un autre plan, les Etats du Golfe chercheront à convaincre la nouvelle Administration d’utiliser son influence pour restreindre Israël et mettre fin aux guerres qu’il mène contre le Hamas, le Hezbollah et l’Iran. Des cessez-le-feu durables à Gaza et au Liban seront nécessaires si Trump espère capitaliser sur la réalisation majeure de son premier mandat au Moyen-Orient, les Accords d’Abraham, qui ont normalisé les relations entre Israël et quatre Etats arabes (les EAU, Bahreïn, le Maroc et le Soudan). Même dans ce cas, il est peu probable que l’Arabie saoudite — le véritable prix pour Israël — accepte de normaliser ses relations sans une concession majeure sur l’établissement d’un Etat palestinien auquel le gouvernement israélien est opposé avec véhémence.

Etant donné le penchant de Trump pour mélanger les affaires et la politique, il est possible que ses décisions au Moyen-Orient aillent tout simplement au plus offrant. Dans ces circonstances, l’absence de principes clairs ou d’une vision globale conduirait Trump à aborder la région de manière idiosyncratique, poussant les dirigeants du Golfe à se demander si des partenariats purement transactionnels peuvent répondre à leurs besoins en termes de sécurité durable et de croissance économique diversifiée, loin d’une dépendance excessive à l’égard du pétrole. Un tel scénario pourrait pousser les Etats du Golfe — qui naviguent de plus en plus dans un monde multipolaire — plus loin dans l’orbite d’influence de la Chine et de la Russie, modifiant fondamentalement les alliances de la région et réduisant l’influence de Washington.

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique