Ce système semble désormais soumis de force à une dynamique unipolaire dominée et contrôlée par Israël, sans concurrence iranienne, et la capacité de l’Iran à rivaliser pour le leadership régional semble disparue pour une durée indéfinie, tandis que la Turquie et les pays arabes sont écartés.
Lors d’un discours de clôture d’un stage de formation pour officiers de l’armée, le 31 octobre, Netanyahu s’est félicité des frappes aériennes israéliennes, affirmant qu’elles avaient ciblé le « ventre mou de l’Iran, le laissant sans défense aérienne ». Il a ajouté qu’« Israël dispose aujourd’hui d’une plus grande liberté d’action en Iran que jamais auparavant. Nous pouvons atteindre n’importe quel endroit en Iran si nécessaire ».
Le chef d’état-major israélien, le général Herzi Halevi, a mis en garde l’Iran contre toute tentative de riposte en déclarant : « Nous savons comment atteindre l’Iran, et nous le ferons avec des capacités que nous n’avons jamais utilisées auparavant. Nous frapperons avec une grande force, tant les capacités que les sites que nous avions auparavant épargnés ». Cela signifie deux choses. D’une part, l’arrogance israélienne a atteint son apogée, Israël étant persuadé de sa capacité à paralyser et réduire l’Iran au silence. D’autre part, cette confiance en une supériorité militaire et stratégique absolue sur le plan régional donne à Israël le sentiment de légitimité pour s’imposer comme une puissance régionale unique et dominante.
Ce dont Israël se vante aujourd’hui est le résultat de son intégration au système de sécurité américain au Moyen-Orient. Depuis que, par décision américaine en janvier 2021, Israël a rejoint le Commandement central des Etats-Unis (CENTCOM) au lieu de rester sous le Commandement euro-américain, toutes les bases et capacités militaires américaines — aériennes, maritimes, terrestres et spatiales — au Moyen-Orient sont à son service. Depuis cette décision du département de la Défense, l’armée israélienne est devenue une « composante d’un vaste partenariat militaire », plus précisément une « partie intégrante de l’armée américaine », sous la direction du CENTCOM.
L’Iran a compris qu’avec cette intégration d’Israël au CENTCOM, la sécurité régionale du Moyen-Orient est devenue une « sécurité mondialisée » contrôlée par la superpuissance américaine, bloquant ainsi toute ambition iranienne de leadership régional. Par conséquent, la seule option pour l’Iran est de s’allier à une autre puissance mondiale, capable de rétablir un équilibre de concurrence et un équilibre de dissuasion avec les Etats-Unis. En conséquence, il devient nécessaire pour l’Iran de réviser l’un des principes fondamentaux de sa politique étrangère, qui interdit toute alliance avec les grandes puissances internationales afin de garantir l’indépendance de ses décisions nationales.
L’Iran a franchi des étapes importantes en ce sens, en annonçant, par l’intermédiaire du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, que la structure de « l’accord de partenariat global » entre la Russie et l’Iran est finalisée et prête à être signée par les présidents des deux pays dans les semaines à venir. Cet accord comprend, entre autres, une « coopération étroite dans le domaine de la défense et des affaires militaires ».
L’autre constat est que les pressions auxquelles fait face l’Iran de la part des Etats-Unis et d’Israël rendent « inévitable » pour lui la possession d’une arme nucléaire. Kamal Kharazi, conseiller du guide suprême Ali Khamenei, a réitéré ce qu’il avait dit il y a plusieurs mois, à savoir que « la doctrine nucléaire de l’Iran pourrait être révisée si la nation est confrontée à une menace existentielle » et que « nous possédons les capacités techniques de produire des armes nucléaires ».
L’Iran s’apprête donc à opérer une révision fondamentale de sa doctrine de sécurité régionale en intégrant la Russie comme puissance mondiale dotée de l’arme nucléaire afin de contrebalancer la puissance américaine et d’imposer un équilibre de dissuasion avec Israël. C’est dans ce cadre que l’Iran pourrait affirmer son statut de puissance régionale concurrente. Les actions militaires importantes que l’Iran envisage de mener contre Israël dans les prochains jours seront une indication de cette nouvelle formule de la sécurité régionale, à la lumière des assurances du guide suprême concernant une riposte contre Israël, tandis que le chef des Gardiens de la Révolution a promis une réponse « inimaginable » aux frappes israéliennes ayant visé des sites militaires iraniens
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