Après plus d’un an d’intensification et d’expansion de la guerre, de nombreuses questions restent ouvertes sur la manière dont la prochaine Administration américaine abordera la question. Trump est imprévisible, et prévoir comment il relèvera les défis de la politique étrangère américaine n’est pas facile. Mais il y a beaucoup à regarder dans son premier mandat (2017-2020) : Trump a bouleversé des décennies de politique américaine en reconnaissant Jérusalem comme la capitale d’Israël et en y installant l’ambassade des Etats-Unis; il a privé l’Autorité palestinienne de ses droits en fermant le bureau de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) à Washington; il a reconnu la légalité des colonies de peuplement juif en Cisjordanie. Encore plus dommageable pour la lutte palestinienne pour la liberté a été le parrainage des Accords d’Abraham.
Il convient néanmoins de noter que l’Administration de Joe Biden a maintenu une grande continuité dans la politique étrangère américaine avec l’héritage de Trump. Elle n’a pas annulé sa décision de déplacer l’ambassade américaine à Jérusalem et a mis énormément d’énergie diplomatique pour élargir les Accords d’Abraham en essayant d’amener l’Arabie saoudite dans le camp de la normalisation avec Israël.
Trump continuera de soutenir pleinement Israël dans ses campagnes militaires à Gaza et au Liban, avec encore moins de soi-disant « lignes rouges » que Biden. Il donnera ainsi le feu vert à l’Etat hébreu pour résoudre ses conflits avec les Palestiniens et les Libanais de la manière qu’il jugerait appropriée. Ce qui se traduira probablement par la permission d’infliger un maximum de dégâts aussi bien à Gaza qu’au Sud-Liban. Cependant, le nouveau président américain préfère une fin rapide des combats et lors d’une conversation privée avec le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, en juillet, il aurait insisté pour que cela soit fait avant son investiture le 20 janvier. Mais rien n’indique que Trump a les moyens de contrôler la machine de guerre israélienne à Gaza et au Liban. Ce qui précède indique qu’il y aura beaucoup de similitudes avec les treize derniers mois au cours desquels la Maison Blanche n’a pas utilisé l’influence de Washington pour exercer une réelle pression sur Israël afin qu’il change de conduite, tout en se contentant de sortir une rhétorique insipide et d’exprimer des opinions qui ne sont liées à aucune action concrète.
Sur un autre niveau, Trump mettra moins d’accent sur la satisfaction des besoins humanitaires des Palestiniens et probablement pas du tout sur la reconstruction de Gaza et sur un horizon politique basé sur une solution à deux Etats. Trump n’a que peu ou pas d’intérêt pour l’avenir de la bande de Gaza. Il encouragerait les riches pays arabes du Golfe à intensifier leur aide financière et humanitaire, mais résisterait à toute implication des Etats-Unis dans la gouvernance ou l’avenir économique de l’enclave. Des propositions émises au sein de la classe politique israélienne pour réoccuper Gaza ou même pour y établir de nouvelles colonies pourraient trouver une oreille bienveillante à la Maison Blanche. Il est peu probable que la nouvelle Administration américaine tente de relancer un plan de paix au Proche-Orient. Elle refuserait de déployer les efforts diplomatiques intensifs nécessaires pour y parvenir, laissant à Israël le soin d’imposer sa propre vision. Ce qui mènera nulle part. Car pour toute une génération de Palestiniens qui ont perdu trop de membres de leurs familles, la reddition au diktat d’Israël n’est plus une option.
Une deuxième Administration Trump ajouterait très probablement un élément d’incertitude et déstabiliserait davantage des décennies de politique américaine sur le conflit Palestine-Israël. Cependant, Trump n’aura pas le luxe de reprendre là où il s’était arrêté en janvier 2021, étant donné à quel point le Proche-Orient a considérablement changé depuis son premier mandat. Il fera face à de nouvelles réalités. L’attaque menée par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023 et la guerre israélienne qui a suivi contre Gaza ont anéanti l’idée que la question palestinienne cesse d’avoir de l’importance et peut simplement être enterrée sous des accords de normalisation entre Israël et les pays arabes. Par conséquent, alors que Trump pourrait poursuivre les efforts de Biden pour élargir la portée des Accords d’Abraham, la dynamique politique et sociale actuelle du monde arabe rendra cette tâche beaucoup plus difficile. Trump pourrait mettre en oeuvre les incitations offertes par l’Administration Biden à l’Arabie saoudite en échange de la normalisation des relations avec Israël. Mais les treize derniers mois de barbarie israélienne à Gaza et, plus récemment, au Liban ont rendu les discussions sur la normalisation plus toxiques que jamais dans le monde arabe et ont augmenté les risques politiques qui y sont associés. Par conséquent, il est probable que Riyad insiste sur un engagement irréversible en faveur d’une solution à deux Etats comme condition d’une normalisation complète .
Lien court: