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Pas de développement sans ancrage des valeurs

Mardi, 23 octobre 2012

Dans mon tout récent article sur la quête de la stabilité et de l’équité sociale, j’avais inséré une phrase très importante dans laquelle je disais qu’il était impossible de réaliser le développement durable loin d’un système d’éthiques et de valeurs qui incite les individus au travail sérieux.

Dr Ali Farag, professeur en polytechnique, à l’Université de Louiseville, qui s’avère être l’un de mes lecteurs coutumiers, s’est demandé comment on peut sensibiliser les gens à se conformer à un système de valeurs dans la situation embrouillée que connaît l'Egypte aujourd’hui ?

En réalité, les sociologues du monde entier s’intéressent beaucoup à la question des valeurs, car ils savent qu’aucun progrès n’est possible sans système de valeurs instauré à l’ombre de la mondialisation et qui prend en compte la spécificité de chaque société. Je veux dire par mondialisation cet état dans lequel vivent et évoluent les sociétés humaines contemporaines, c’est-à-dire sous l’ombrelle d’une même civilisation, celle de l’informatique. Sans que ceci n’affecte la spécificité de chaque culture qui émane de l’Histoire et de l’assise socioculturelle de chaque société.

Dans cet ordre d’idées, les philosophes et les intellectuels de notre pays doivent chercher à combiner l’authenticité et la contemporanéité. En d’autres termes, ils doivent chercher à savoir comment on peut rester attachés à notre patrimoine tout en restant ouverts aux valeurs mondiales et sous l’effet de la mondialisation qui a connecté le monde entier, peuples et cultures.

Lorsque j’ai commencé à chercher une réponse à la question de mon lecteur, surtout qu’il a parlé de la situation embrouillée que connaît l’Egypte, je me suis rendu compte qu’il est difficile d’instaurer ce système de valeurs loin de l’éducation et de la loi. L’éducation est un domaine dont les ramifications sont multiples. Et il existe en matière d’éducation de multiples tendances en rivalités les unes avec les autres. Donc, il nous incombe, nous sociologues et intellectuels, de concevoir des concepts et des valeurs de juste-milieu sans aucun penchant, que ce soit pour la droite ou la gauche.

Commençons par ce domaine de grande importance qu’est l’éducation religieuse, qu’elle soit musulmane ou chrétienne. Nous remarquons qu’au cours des dernières décennies, on a vu apparaître des penchants extrémistes adoptés par des mouvements islamistes terroristes qui ont pratiqué le terrorisme franc, alors que d’autres groupes ont adopté des conceptions religieuses fermées, que ce soit par l’intermédiaire de courants affiliés aux Frères musulmans ou aux salafistes. Parallèlement, on a vu émerger des courants chrétiens rigoristes et qui ont, eux aussi, une assise fanatique.

Notre mission au milieu de tous ces groupes est de formuler une vision religieuse de juste-milieu. Al-Azhar a, dans ce contexte, un rôle important à jouer. L’Eglise copte avec ses intellectuels modérés doit intervenir et apporter son apport à cette vision religieuse consensuelle, celle du juste-milieu. A une étape ultérieure, cette vision sera intégrée aux programmes scolaires qui devront, à leur tour, faire l’objet de réformes. Ce qui nous incite à l’optimisme c’est que les nouveaux programmes scolaires d’éducation civique ont pour la première fois inclut des versets de l’Evangile, comme pour affirmer le principe de citoyenneté et approfondir l’unité nationale. Il ne faut surtout pas omettre dans cette atmosphère le rôle dangereux des médias pour sensibiliser l’opinion publique à un engagement en faveur de cette vision religieuse modérée.

Nous avons dans le domaine des sciences politiques ce qu’on appelle la « culture civique » qui inculque aux citoyens leurs droits et leurs devoirs à l’ombre de la citoyenneté, et qui les encourage à s’engager dans la vie politique et dans les activités de la société civile. Il faut toujours rappeler aux citoyens qu’il existe des différences importantes entre la liberté et l’anarchie, une différence qui s’est effacée malheureusement après la révolution du 25 janvier avec la multiplication des manifestations et des mouvements de protestation brandissant des revendications populaires qu’aucun gouvernement ne peut satisfaire. « Anarchie déferlante » est la description correcte de la situation actuelle. La seule issue pour en sortir est d’ancrer les principes de la culture civique et d'améliorer la conscience populaire qui s’est dégradée à cause d’une élite politique opportuniste qui a dit aux citoyens que les manifestations sont un droit sacré et qu’il n’est pas permis de les disperser par la force.

En matière de recherche scientifique, il faut établir des règles rigoureuses pour mettre fin aux emprunts et aux plagiats. En droit pénal, il est indispensable de renforcer les sanctions contre les manifestants qui barrent les routes, qui envahissent les installations publiques jusqu’à ce que leurs revendications soient exaucées.

Le droit administratif nécessite également une révolution au niveau des sanctions disciplinaires qui autorisent le licenciement immédiat des personnes qui s’abstiennent de faire leur travail à condition de leur garantir leurs droits juridiques. Même chose pour la loi ouvrière qui nécessite une révolution et qui autorise le renvoi des ouvriers qui ferment une usine, qui empêchent leurs collègues de rentrer ou qui interdisent la sortie des produits.

Il va sans dire qu’il est impossible de parler d’ancrage des valeurs sans mettre en vigueur le principe de l’égalité des chances et sans interdire le favoritisme et le népotisme. Il est indispensable parallèlement de lutter contre la corruption économique et administrative. Il faut annuler les salaires illégitimes perçus par les conseillers travaillant auprès des ministères, des organismes et des compagnies aux dépens du reste de la main-d’oeuvre. Il faut un contrôle vigoureux pour empêcher le gaspillage des fonds publics. En résumé, l’ancrage des valeurs nécessite une révolution dans tous les domaines précités. Cette révolution ne sera pas effective sans l’application sévère des clauses de la loi, sans discrimination ni distinction entre un citoyen et un autre. Tout le monde doit réaliser qu’il faut respecter les institutions de l’Etat et la loi, et que la démocratie ne tolère aucunement le chaos auquel nous assistons pour le moment l

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