Alors que les responsables israéliens affirment que le Hamas n’existe plus en tant que force militaire, les données sur le terrain montrent, au contraire, que le groupe palestinien conserve encore des capacités opérationnelles et continue de s’engager avec l’armée israélienne à Gaza. En même temps, il a intensifié ses activités militaires en Cisjordanie occupée. Tout ceci prouve que le Hamas demeure un acteur important malgré ses capacités militaires désormais réduites et le lourd tribut humanitaire payé par les Palestiniens.
Bien que les attaques d’Israël contre la bande de Gaza aient considérablement réduit les effectifs militaires du Hamas, le nombre exact de combattants qu’il a perdus reste incertain. Israël affirme avoir tué environ 17 000 hommes armés, démantelé la plupart des 24 bataillons du Hamas et tué des dizaines de commandants et de dirigeants clés. Cependant, des rapports plus détaillés de l’armée israélienne, enregistrés par l’Armed Conflict Location & Event Data (ACLED) — une organisation non gouvernementale basée au Royaume-Uni, spécialisée dans la collecte, l’analyse et la cartographie des données désagrégées sur les conflits — parlent de 8 500 morts. Ce chiffre comprend également des militants d’autres groupes armés et éventuellement d’autres membres non combattants du Hamas. Selon les estimations d’avant-guerre, le bras armé du Hamas, les brigades Ezzedine Al-Qassam, comptait entre 25 000 et 30 000 combattants.
Selon des spécialistes militaires, le Hamas se régénère pour continuer le combat contre Israël, en recrutant des milliers de nouveaux combattants. Ils soulignent que la dévastation de Gaza stimule le recrutement, poussant des légions de jeunes aigris ou désespérés à s’enrôler dans les rangs de la résistance. Etant donné cette réalité, le Hamas pourrait revendiquer jusqu’à près de la moitié du nombre de ses combattants d’avant-guerre. Certes, ces jeunes recrues ne sont pas aussi bien entraînées que les militants disparus, mais ils aident le Hamas à compenser ses pertes. Ils sont principalement des jeunes qui ont perdu de la famille et ont un motif : la vengeance.
Ainsi, le groupe palestinien poursuit le combat dans plusieurs zones où Israël a annoncé avoir établi son contrôle. Dans les gouvernorats du nord de Gaza, ainsi qu’à Khan Younès dans le sud — où l’armée israélienne a annoncé le démantèlement des brigades du Hamas et l’établissement de son contrôle respectivement le 22 janvier et le 7 avril —, le groupe militant a démontré sa capacité à se regrouper. Cela a forcé Israël à continuer de lancer de plus petits raids terrestres pour empêcher le Hamas de rétablir sa présence. Les affrontements armés se sont poursuivis dans ces zones avec une intensité fluctuante. La capacité du Hamas à résister à Israël provient également du fait que la majorité de son armement est fabriquée à Gaza. Selon l’ACLED, l’armée israélienne a conclu que jusqu’à 80 % des armes du Hamas étaient fabriquées par le groupe lui-même. Celui-ci a passé des années à perfectionner une machine de guerre capable de fabriquer ses propres munitions, de mener des opérations sans approbation ni même connaissance de ses alliés étrangers, notamment l’Iran, puis de permettre à ses combattants de disparaître dans un labyrinthe souterrain élaboré. Les tunnels servaient également à cacher la production d’armes et tenaient lieu à un réseau de communication, de dépôt d’approvisionnement, de réseau routier, de pipeline logistique, d’abri anti-bombes et d’hôpitaux de campagne.
Face aux assauts israéliens qui ont réduit ses capacités militaires, le Hamas a opéré un virage vers des tactiques de guérilla, en s’engageant dans une guerre d’usure plutôt que d’affronter directement une armée à la puissance de feu largement supérieure. Les attaques asymétriques contre les forces israéliennes sont ainsi devenues la forme dominante de guerre du groupe depuis mai, à travers des embuscades tendues aux soldats israéliens avec des explosifs. Dans plusieurs cas, les militants du Hamas ont fait exploser des mines terrestres, des bâtiments et des tunnels, alors que les soldats israéliens s’approchaient de sites ciblés. Le vaste réseau de tunnels du Hamas, qui reste fonctionnel dans de nombreuses régions, a joué un rôle important en permettant à ses combattants de mener de telles opérations. Après la phase la plus intense de la guerre en décembre et janvier, les affrontements armés entre le Hamas et l’armée israélienne ont commencé à diminuer, mais les attaques à l’explosif du Hamas et de ses alliés sont restées à des niveaux élevés. Au-delà de Gaza, les actions armées du Hamas en Cisjordanie se sont intensifiées depuis octobre 2023. Le Hamas a été impliqué dans 130 attaques au cours de l’année écoulée, soit une augmentation de près de 135 % par rapport aux 12 mois précédents.
Ce qui précède indique qu’un Hamas militairement affaibli conserve la capacité de poursuivre un conflit de basse intensité contre Israël, tout en maintenant un fort ancrage idéologique et politique en Palestine occupée. Avec une présence militaire israélienne qui devrait persister à Gaza sous une forme ou une autre, le Hamas continuerait sa lutte armée dans un avenir prévisible.
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