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Le réformisme musulman et les enjeux de la modernité

Lundi, 24 mars 2014

L’amphithéâtre Mohamad Abdou de l’Université d’Al-Azhar du Caire a accueilli récemment un colloque organisé par le département de français et d’études islamiques à la faculté des langues et de traduction, l’Observatoire géopolitique de Paris et le centre Maurice Hauriou à l’Université de Paris-Descartes Sorbonne Paris Cité. Malgré la conjoncture particulière que traverse l’Egypte en ce moment, les partenaires ont voulu croire à l’importance de la coopération intellectuelle et académique en vue de corriger les concepts mal compris en islam et de trouver des solutions pratiques aux problèmes de l’actualité.

Cette coopération entre Al-Azhar et des centres de recherches de France est l’extension d’une coopération culturelle et scientifique qui remonte au XIXe siècle avec Rifaa Al-Tahtawi et Mohamad Abdou, et au XXe siècle avec le grand imam Abdel-Halim Mahmoud et le grand imam Ahmad Al-Tayeb. De nos jours, l’Occident et la France, en particulier, ont besoin de mieux comprendre l’islam, en particulier l’esprit de l’islam du juste-milieu qui permettra de renouveler la pensée pour qu’elle s’adapte à l’évolution des temps modernes. Il s’agit de démontrer que l’islam véritable est celui de la modération contre toutes les formes d’extrémisme et d’exagération.

Le colloque a permis d’entendre les exposés de plusieurs experts dont le Pr Charles Saint-Prot, directeur de l’Observatoire géopolitique de Paris, qui a beaucoup écrit sur le monde arabo-musulman, notamment l’ouvrage La Tradition islamique de la réforme qui a été traduit en arabe et publié récemment en Egypte. Cet ouvrage d’un des grands spécialistes français de l’islam, présente des idées impartiales sur l’islam du juste-milieu et sa capacité à s’adapter aux enjeux du monde moderne.

Le Pr Jean-Yves de Cara, professeur à l’Université Paris-Descartes Sorbonne Paris Cité, a bien analysé les causes du terrorisme dans le monde musulman. Il a affirmé dans son commentaire que l’islam n’a rien de commun avec des groupes terroristes qui sont des formes de déviation de certains courants de pensée fanatiques. Il a souligné que le juste-milieu se trouve au coeur de l’islam et tout musulman a le devoir d’appliquer le concept du juste-milieu, non seulement dans les propos, mais aussi dans les actes. Pour sa part, le Pr Thierry Rambaud, de l’Université Paris-Descartes, a parlé de la réforme morale en faisant une comparaison entre l’islam et le christianisme.

Des universitaires égyptiens de l’Université d’Al-Azhar ont également présenté des contributions. Le Pr Ibrahim Al-Hodhod, vice-recteur de l’Université d’Al-Azhar, a présenté un aperçu historique sur le réformisme en islam. Puis, il a commenté l’oeuvre des grands réformistes qui ont influencé les pensées islamiques. Le Pr Sami Mandour, chef du département de français à l’Université d’Al-Azhar, a parlé de la réforme en général et surtout de l’actualité de la pensée réformiste de Malek Bennabi, le Pr Fatma Al-Hadary a commenté la vision réformiste et pédagogique du Traité de l’éducation des filles de Fénelon et Al-Morchid al-amin lel banati wal banin de Rifaa Al-Tahtawi. Le Pr Abdel-Rahman Al-Khodary Saadeddine a parlé de l’exégèse rhétorique d’Aïcha Abdel-Rahman entre l’ordre chronologique et le classement thématique du Coran. Pour sa part, le Pr Mohamad Al-Charkawi a étudié L’Islam et les enjeux de la modernité. Enfin, le Pr Oussama Nabil, de la faculté des langues de l’Université d’Al-Azhar, a présenté la vision occidentale de la réforme à travers deux orientalistes occidentaux : Charles Saint-Prot et Eric Geoffroy.

Toutes les études présentées lors du colloque confirment la nécessité de continuer l’échange culturel et scientifique entre Al-Azhar et la France pour mieux développer la pensée humaine. Si les penseurs français étudient l’islam pour mieux le comprendre, les penseurs musulmans ont, aussi, besoin de mieux connaître le point de vue des penseurs français pour en tirer profit. La délégation d’universitaires français a également été reçue par Dr Chawki Ibrahim, mufti d’Egypte, qui a insisté sur l’importance de faire connaître la pensée islamique et d’encourager les échanges entre penseurs occidentaux et musulmans. Pour sa part, Dr Charles Saint-Prot a salué l’action de l’Université d’Al-Azhar pour faire reculer l’ignorance et le fanatisme.

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