C’est ce qu’a révélé, le 12 septembre, un rapport de la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce le Développement (CNUCED), qui a décrit l’économie de la bande de Gaza comme « en ruine » plus de 11 mois après qu’Israël y a lancé une campagne militaire dévastatrice, la réduisant en décombres. « Les processus de production ont été perturbés ou décimés, les sources de revenus ont disparu, la pauvreté s’est intensifiée et étendue, les quartiers ont été éradiqués et les communautés et les villes ont été ruinées », a constaté le rapport, estimant qu’il faudra des décennies pour ramener Gaza à ce qu’elle était en octobre 2023.
L’un des secteurs économiques les plus durement touchés par l’assaut israélien est l’agriculture, qui a diminué de 11,3 %. Ces dernières années, le secteur a représenté environ 6 % du Produit Intérieur Brut (PIB) palestinien et la chaîne de valeur agroalimentaire a représenté 15 % de l’économie palestinienne. Déjà au début de 2024, la CNUCED a annoncé que jusqu’à 96 % des actifs agricoles de Gaza — y compris les fermes, les vergers, les systèmes d’irrigation, les machines et les installations de stockage — avaient été « décimés ». Cela a paralysé la capacité de production alimentaire et aggravé le taux déjà élevé de personnes souffrant de malnutrition dans le territoire palestinien assiégé. L’impact de l’offensive israélienne sur le secteur agricole est particulièrement préoccupant, étant donné le rôle historique de celui-ci dans la fourniture de revenus, d’emplois et de sécurité alimentaire et son rôle d’amortisseur qui fournit des emplois aux travailleurs déplacés lors des affrontements fréquents avec Israël. A l’heure actuelle, trois sur quatre des 2,3 millions de Palestiniens à Gaza avaient été déplacés à l’intérieur de leur propre pays, manquant d’abris appropriés, confrontés à la famine et à des pénuries d’eau, de carburant et d’électricité, ainsi qu’à un manque d’accès à l’éducation, aux soins de santé et à l’assainissement.
Aux niveaux manufacturier, industriel et commercial, 82 % des entreprises de Gaza avaient été endommagées ou détruites. Rien qu’au dernier trimestre de 2023, le PIB de Gaza a chuté de 81 %, entraînant une contraction de 22 % pour toute l’année, selon le rapport de la CNUCED. Résultat : les deux tiers des emplois d’avant-guerre — environ 201 000 postes — avaient été perdus dès janvier. Ainsi, le chômage dans le territoire assiégé avait atteint 79 % au dernier trimestre de 2023, contre 46 % au trimestre précédent. En conséquence, la pauvreté touche presque toute la population de Gaza et augmente rapidement en Cisjordanie.
Les conditions du marché du travail sont également considérablement détériorées en Cisjordanie occupée depuis le 7 octobre. Le rapport a montré que 96 % des entreprises de Cisjordanie ont diminué leur activité et plus de 42 % ont réduit leur main-d’oeuvre. Conséquence : le chômage à l’ouest du Jourdain a presque triplé. Au total, 306 000 emplois ont été perdus, faisant passer le taux de chômage de près de 13 % avant qu’Israël ne lance sa guerre contre Gaza à 32 %. Le rapport de la CNUCED décrit « un déclin économique rapide et alarmant » en Cisjordanie, dont la partie nord est victime d’une offensive militaire israélienne depuis le 28 août. L’Autorité palestinienne, qui exerce une autonomie limitée sous l’occupation israélienne en Cisjordanie, subit une « pression immense » qui compromet sa capacité à fonctionner, a souligné le secrétaire général adjoint de la CNUCED, Pedro Manuel Moreno, pointant du doigt la baisse de l’aide internationale et des déductions et retenues sur les recettes effectuées par Israël. Celui-ci a bloqué plus de 1,4 milliard de dollars depuis 2019, alors que l’aide des donateurs internationaux est tombée en 2023 à son plus bas niveau à 358 millions de dollars — soit à peine 2 % du PIB palestinien — contre 2 milliards de dollars, ou 27 % du PIB en 2008.
Le résultat est que l’économie palestinienne a diminué de 30 % au cours des trois derniers mois, entraînant une contraction de 5,5 % du PIB annuel et une baisse de 8 % du PIB par habitant, ce qui en fait « l’un des effondrements les plus profonds de l’histoire récente », selon la CNUCED. De son côté, la Banque mondiale a estimé, dans un rapport publié en mai, que l’économie palestinienne devrait se contracter entre 6,5 et 9,4 % en 2024.
Sans surprise, la CNUCED a accusé l’occupation israélienne prolongée d’être le principal obstacle au développement économique durable de la Palestine. « Les restrictions persistantes à l’investissement, à la mobilité de la main-d’oeuvre et au commerce ont systématiquement miné le potentiel économique, exacerbant la pauvreté et l’instabilité », a-t-elle conclu. Mais au-delà de l’impact économique dévastateur souligné par l’agence onusienne, quid des répercussions sociales et politiques, qui se feront sentir pendant longtemps, du lourd tribut humain : plus de 41 000 morts et 95 000 blessés jusqu’ici ?
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