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Pourquoi Israël attaque la Cisjordanie ?

Mercredi, 04 septembre 2024

Le 28 août, l’armée israélienne a lancé contre la Cisjordanie occupée sa plus grande offensive depuis son invasion des principales villes de ce territoire lors de l’Intifada (soulèvement) palestinienne de 2002.

L’assaut a ciblé des villes du nord de la Cisjordanie, principalement des camps de réfugiés autour de Jénine et Tulkarem, faisant plusieurs morts et blessés. En fait, les attaques israéliennes contre les camps de réfugiés et les villes de Cisjordanie sont quasi quotidiennes depuis la formation du gouvernement d’extrême droite en 2022. Mais elles se sont intensifiées depuis le 7 octobre, faisant 662 morts et 5400 blessés parmi la population palestinienne, sans compter les victimes de la récente offensive.

La guerre contre Gaza a enhardi les éléments les plus extrémistes du gouvernement du premier ministre, Benyamin Netanyahu, qui ont exigé le retour à l’occupation militaire de Gaza et l’accélération de la construction illégale de colonies en Cisjordanie. Alors qu’Israël a déclaré que l’assaut contre la Cisjordanie visait à détruire les cellules du Hamas et du Jihad islamique soupçonnées de préparer des attaques, il intervient dans le contexte du soutien du gouvernement à une poussée sans précédent de la colonisation à l’ouest du Jourdain, qui s’est accompagnée d’une série d’attaques violentes de colons juifs armés visant des civils palestiniens. Ainsi, l’offensive en Cisjordanie fait partie du plan du gouvernement israélien pour consolider son occupation et nettoyer ethniquement la majeure partie de cette région, prélude nécessaire à l’expansion des colonies existantes et à la construction de nouvelles implantations. La coalition actuelle comprend une poignée d’extrémistes qui croient qu’Israël ne devrait pas seulement coloniser toute la Cisjordanie, mais faire de même à Gaza. Dirigée par le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, et celui des Finances, Bezalel Smotrich, cette faction pousse Israël à aller plus loin dans l’annexion complète de la Cisjordanie et le déplacement des Palestiniens.

L’expansion des colonies a été une priorité absolue pour le gouvernement de Netanyahu, qui a élargi l’approbation des saisies de terres en Cisjordanie malgré les protestations des groupes de défense des droits de l’homme qui l’ont qualifiée de crime de guerre. Mais depuis le début de la guerre à Gaza, il y a eu une accélération de la croissance des colonies en Cisjordanie. En juillet, Israël a approuvé la plus grande saisie de terres en Cisjordanie depuis le processus de paix d’Oslo dans les années 1990, selon le mouvement israélien anti-colonisation Peace Now. Les extrémistes du gouvernement se vantent que ces changements sur le terrain empêcheront l’établissement d’un Etat palestinien indépendant.

Les tensions autour de l’occupation israélienne et de la colonisation étaient déjà diffuses en Cisjordanie depuis de nombreuses années, mais la guerre à Gaza a donné l’occasion et le prétexte aux extrémistes du gouvernement et des colons pour prendre d’assaut la Cisjordanie en vue de saisir davantage de terres. Depuis le 7 octobre, la violence des colons contre les civils palestiniens en Cisjordanie est allée crescendo. Elle était déjà en hausse, mais au cours des 10 derniers mois, le Bureau de la Coordination des affaires humanitaires des Nations-Unies (OCHA) a documenté 1270 attaques, contre 856 sur l’ensemble de 2022. Sur celles recensées depuis le 7 octobre, plus de 120 attaques « ont fait des morts et des blessés palestiniens », a rapporté l’OCHA. Selon l’Organisation israélienne de défense des droits de l’homme B’Tselem, au cours de la même période, le harcèlement des colons israéliens a forcé des Palestiniens à quitter au moins 18 villages de Cisjordanie. En février, des centaines de colons ont mené l’une des plus grandes attaques contre des Palestiniens depuis des années dans la ville de Huwara et ses environs après qu’un Palestinien armé a tué deux colons qui vivaient à proximité. Au lendemain des violences, Smotrich, lui-même un colon qui s’oppose à un Etat palestinien, a déclaré que « Huwara doit être effacé ». Plus tôt ce mois-ci, plus de 70 colons armés ont envahi la ville de Jit, tirant des balles et des gaz lacrymogènes sur les résidents palestiniens et incendiant plusieurs maisons, voitures et autres biens.

Les attaques des colons se déroulent sans impunité, car bénéficiant du soutien implicite des autorités. Le groupe israélien de défense des droits civiques Yesh Din a constaté qu’entre 2005 et 2023, seulement 3% des enquêtes officielles sur la violence des colons se sont soldées par une condamnation. Cette situation a poussé le chef du service de sécurité intérieure « Shin Bet », Ronen Bar, à envoyer, mi-août, une lettre aux ministres pour les avertir que les colons extrémistes commettent des actes de « terreur » contre les Palestiniens et qu’ils sont encouragés dans leurs agissements par un laxisme dans l’application de la loi. Il a mis en garde contre les « dommages indescriptibles » qu’ils causent au pays. En effet, l’occupation militaire, la colonisation et la violence des colons ont fait gagner du terrain à des groupes de résistants palestiniens composés en grande partie de jeunes désabusés, dans les zones urbaines densément peuplées du nord de la Cisjordanie. Affiliés à des mouvements établis, ils ont toutefois développé leurs propres stratégies de résistance armée contre l’occupation après avoir perdu patience avec le statu quo.

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