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La guerre russo-ukrainienne et le Sahel africain

Mercredi, 28 août 2024

Les interactions entre la Russie et l’Ukraine, considérées comme une guerre d’usure, entraînent des mutations géopolitiques dans la région du Sahel africain.

Ces interactions influencent les relations franco-africaines dans l’ouest du continent, où Paris observe un recul de son influence. En effet, à la suite de renversements militaires successifs dans quatre Etats, ces derniers ont commencé à adopter des politiques hostiles à la France et aux Etats-Unis. Ces Etats entretiennent des coalitions variées avec la Russie pour deux raisons. La première est la nature des politiques occidentales qui épuisent les ressources africaines sans offrir une rentabilité équitable aux pays d’origine. Cela a contribué à appauvrir les peuples d’Afrique et a eu un impact direct sur les capacités des régimes en place, notamment face aux menaces sécuritaires. La deuxième raison tient à la gestion occidentale des menaces terroristes dans la région du Sahel, sans application de politiques adéquates pour y faire face.

En conséquence, il est possible d’observer une guerre de rebond entre la Russie et l’Ukraine qui se joue au centre de l’Afrique, dans la région allant de la mer Rouge à l’océan Atlantique. Le Sénégal et le Ghana sont directement influencés, étant donné que leur voisinage est témoin d’une escalade des menaces sécuritaires affectant les relations économiques et commerciales dans l’ouest africain.

La guerre de rebond russo-ukrainienne s’est manifestée dans quatre aspects. Le premier est la présence de forces ukrainiennes au Soudan, où elles coopéraient avec l’armée au début du conflit entre celle-ci et les Forces de Soutien Rapide (FSR). Cette présence pourrait être interprétée comme une réponse ukrainienne au soutien apporté par le groupe Wagner ou au « Corps africain » aux FSR. Le deuxième aspect porte sur l’incursion de la Légion russe en Mauritanie. En avril dernier, des éléments de la Légion russe sont entrés en Mauritanie, près de la frontière avec le Mali, notamment dans le village de Madallah, où ils ont ouvert le feu sur les habitants, déclenchant une vague de mécontentement au sein des milieux politique et sécuritaire mauritaniens. Les membres de Wagner, poursuivant certains groupes armés au Mali, ont franchi par erreur la frontière mauritanienne, ce qui a provoqué des troubles dans l’opinion publique mauritanienne contre la Russie, en raison des relations étroites entre le Mali et la Mauritanie. Le port de Nouakchott joue un rôle crucial dans les opérations d’importation et d’exportation du Mali, et la Mauritanie bénéficie de certaines concessions liées au déchargement et au stockage. Le Mali reçoit également des marchandises en provenance d’Algérie et du Maroc via les routes terrestres mauritaniennes, et le niveau de vie attractif à Nouakchott attire les travailleurs maliens, notamment dans les métiers de l’artisanat et du travail domestique.

Le troisième aspect tient à l’alliance militaire entre la Russie et les pays du Sahel. Après les coups d’Etat militaires dans ces pays, des alliances militaires ont été nouées entre la Russie, le Niger, le Mali et le Burkina Faso. Ces alliances ont suivi l’expulsion des forces militaires françaises et américaines, notamment du Niger, permettant à ces pays d’accueillir des armements et des forces militaires russes. Le dernier aspect consiste en la formation d’une confédération entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Le 17 septembre 2023, ces trois pays ont annoncé une alliance stratégique, se retirant de l’Organisation des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en janvier 2024. Cet accord de défense militaire commun signé à Bamako, sous le nom de « Coalition des pays du Sahel », vise à établir un système militaire commun de défense collective et à offrir une entraide dans tous les domaines.

Par ailleurs, le G5 Sahel, alliance chargée de lutter contre le terrorisme au Tchad, au Niger, au Nigeria, au Burkina Faso et au Mali, a permis à la France d’avoir une présence militaire dans ces pays et d’élargir ses bases militaires. Cependant, la France s’est retirée en raison des niveaux élevés d’opérations terroristes, notamment au Burkina Faso.

La stabilité des relations intra-africaines dans la région du Sahel semble peu probable dans un avenir proche, compte tenu des répercussions persistantes de la guerre russo-ukrainienne. Les pays d’Afrique de l’Ouest sont confrontés à la fois à une intensification des menaces sécuritaires et à des défis de développement économique, tout en observant un renforcement de la présence militaire russe dans la région, notamment avec l’arrivée d’une centaine de soldats russes au Burkina Faso pour sécuriser la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’Etat de 2022, ainsi qu’à la construction d’une base militaire en Afrique centrale, abritant environ 2 000 soldats russes depuis septembre 2023.

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