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Washington et le drame de Gaza

Mercredi, 24 juillet 2024

Le 13 juillet, l’armée israélienne a lancé l’une de ses attaques les plus meurtrières en plus de neuf mois de guerre contre la bande de Gaza, précisément dans la « zone humanitaire » d’Al-Mawasi, à l’ouest de la ville méridionale de Khan Younès, où des civils palestiniens déplacés avaient été exhortés à chercher refuge.

L’attaque a tué au moins 92 personnes et en a blessé plus de 300. Israël a justifié son attaque en alléguant que de hauts responsables militaires du Hamas se cachaient parmi les réfugiés, principalement Mohamed Deif, commandant de son aile militaire, les brigades Ezzeddine Al-Qassam. Le bombardement a transformé la ville de tentes sur la côte méditerranéenne en un désert calciné, les hôpitaux voisins étant envahis de victimes.

Des responsables israéliens ont reconnu que l’armée a largué cinq bombes de 900 kg sur Al-Mawasi. Ces bombes, MK-84, de fabrication américaine, sont quatre fois plus lourdes que la grande majorité des plus grosses bombes larguées par les Etats-Unis sur l’Etat islamique pendant la guerre contre le groupe terroriste en Syrie et en Iraq, de 2014 à 2017. Elles sont interdites par le droit international humanitaire et les armées occidentales ont cessé de les utiliser dans les zones résidentielles — a fortiori dans les zones densément peuplées comme la bande de Gaza — en raison de leur impact dévastateur. Provoquant des cratères de plus de 12 m de diamètre, elles font de nombreuses victimes et peuvent avoir un rayon de fragmentation mortel — une zone d’exposition à la mort et aux blessures autour de la cible — allant jusqu’à 365 m. Ces bombes ont contribué de manière significative au bilan horrible de la guerre à Gaza, où le nombre de morts approche les 39 000.

Les Etats-Unis, principal soutien militaire à l’Etat hébreu, ont suspendu en mai la livraison de 1 800 bombes MK-84 de peur qu’Israël ne les utilise dans sa récente offensive contre la ville méridionale de Rafah, où quelque 1,2 million de Palestiniens étaient réfugiés. Mais ils avaient déjà livré, avant la suspension, plus de 14 000 bombes de ce type. Les experts militaires soulignent qu’à au moins 200 reprises, l’armée israélienne a directement ciblé des zones spécifiquement désignées comme sûres pour les civils de Gaza par des munitions lourdes de fabrication américaine. Car il ne s’agit pas seulement de la bombe MK-84. Des experts américains en armement ont révélé l’usage par Israël dans l’attaque contre Al-Mawasi d’une autre munition lourde de fabrication américaine. Il s’agit de la « Joint Direct Attack Munition » (JDAM), utilisée avec une charge de 450 ou 900 kg.

L’utilisation répétée de bombes aussi grosses contre l’enclave de Gaza densément peuplée a suscité un tollé humanitaire. Il ne s’agit toutefois pas d’un premier usage. Israël est critiqué depuis des années par les ONG de défense des droits de l’homme pour son utilisation généralisée de ces bombes puissantes lors des précédents conflits dans la bande de Gaza. L’usage de ces bombes est destiné à infliger des dégâts extrêmement importants, sans discrimination et de manière délibérée, à des zones résidentielles et à des infrastructures civiles, ce qui est interdit par le droit international. Les critiques des organisations humanitaires, mais surtout d’une partie importante de l’opinion publique américaine, notamment les jeunes démocrates libéraux, la communauté américano-arabe et les étudiants dans les universités, ont fait pression sur le président Joe Biden pour qu’il reconsidère les munitions fournies à Israël. En conséquence, le locataire de la Maison Blanche a averti qu’il poserait des conditions à l’aide militaire si Israël ne parvenait pas à protéger les civils et à autoriser davantage d’aide humanitaire à Gaza. Mais cet avertissement s’est limité à la suspension des bombes MK-84 de 900 kg.

Globalement, il n’y a pas eu de baisse dans le soutien militaire des Etats-Unis à son allié. Ce qui en dit long sur leur responsabilité légale et morale dans le drame humanitaire majeur que vit la population palestinienne à Gaza. Le contenu des envois militaires correspondait à ce dont Israël aurait besoin pour reconstituer les approvisionnements utilisés dans son offensive contre Gaza ou dans un conflit potentiel avec le Hezbollah libanais. Selon des responsables américains, entre le début de la guerre le 8 octobre et la première moitié de juillet, Washington a livré 6 500 bombes de 250 kg (en plus des 14 000 bombes MK-84), 3 000 missiles air-sol à guidage de précision Hellfire, 1 000 bombes anti-bunker, 2 600 bombes de petit diamètre larguées par avion et d’autres munitions. Ces envois font partie d’une plus grande liste d’armes transférées à Israël depuis le début du conflit, d’une valeur de 6,5 milliards de dollars, selon un haut responsable de l’Administration Biden. Cette somme fait partie de l’enveloppe de vente d’armes supplémentaires d’une valeur de 14,3 milliards de dollars approuvée en avril par le Congrès. Cela s’ajoute aux 3,8 milliards de dollars d’aide militaire que les Etats-Unis envoient à Israël chaque année et dont la majeure partie est utilisée pour acheter du matériel et des services militaires américains.

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