Cet assassinat est le troisième de hauts responsables de la milice chiite, au milieu de tirs et de bombardements transfrontaliers presque quotidiens qui ont immédiatement éclaté après qu’Israël avait commencé sa guerre contre la bande de Gaza le 8 octobre. L’attaque du 4 juillet a été la plus importante menée par le Hezbollah sur fond d’une escalade d’hostilités, qui devraient se poursuivre jusqu’à ce qu’un cessez-le-feu soit conclu à Gaza. Ces développements ont fait craindre une guerre à grande échelle entre Israël et le Hezbollah. Au-delà des souffrances humaines et des destructions de biens au Liban et en Israël, un tel scénario ajoutera une nouvelle source d’instabilité au Moyen-Orient.
Cette éventualité est redoutée aussi bien par les Etats de la région que par les grandes puissances. Elle tient à des raisons politiques et militaires liées à Israël. D’un côté, le maintien au pouvoir du premier ministre, Benyamin Netanyahu, ainsi que ses chances d’échapper aux accusations de corruption sont en grande partie tributaires de la poursuite de l’état de guerre, tant à Gaza que contre le Hezbollah. D’un autre côté, le commandement militaire israélien est convaincu que la milice chiite, lourdement armée et soutenue par l’Iran, doit être confrontée le plus tôt possible, afin de l’affaiblir avant qu’elle ne se renforce davantage. Consciente qu’elle ne pouvait porter un coup décisif à l’arsenal du Hezbollah avec des frappes, car les roquettes, les missiles et l’artillerie de ce dernier sont creusés dans le paysage montagneux libanais, l’armée israélienne adopterait, en cas de guerre ouverte, une tactique consistant à lancer des frappes de décapitation contre les dirigeants du Hezbollah et à bombarder des zones résidentielles chiites pour démoraliser la base de soutien du mouvement. Cette tactique est connue par le nom de « doctrine Dahiya », d’après le nom du quartier chiite au sud de Beyrouth qu’Israël a ciblé lors de sa guerre contre le Liban en 2006. L’assassinat jusqu’ici de trois commandants militaires de haut rang du Hezbollah a montré le premier élément de cette tactique. Néanmoins, les experts estiment que ces assassinats n’auront qu’un impact limité sur la capacité de la milice à résister fermement à Israël. Le Hezbollah dispose d’effectifs aguerris estimés entre 50 000 et 60 000 combattants, qui sont dirigés par des officiers bien formés.
Bien que des risques de dérapage, provenant d’erreurs de calcul, existent entre l’Etat hébreu et le Hezbollah, les deux parties tiennent jusqu’ici à maintenir un affrontement de basse intensité et évitent de franchir des lignes rouges — attaquer une cible trop sensible ou causer un nombre trop élevé de victimes — susceptibles de provoquer une guerre totale. Cet état s’explique par plusieurs raisons. La principale tient au fait que les deux belligérants comprennent qu’une telle guerre à grande échelle entraînerait des niveaux élevés de morts et de destructions des deux côtés. Une guerre dans le sud du Liban ne ressemblera pas à l’offensive israélienne contre la bande de Gaza, car le Hezbollah est bien plus puissant que le Hamas. C’est une véritable armée bien équipée et déterminée à lancer des attaques au plus profond d’Israël. Celui-ci est conscient que la milice chiite agira avec force et violence dans une telle guerre. En 1992 et 2006, le Hezbollah a déjà démontré sa capacité à faire énormément de mal à Israël dans un conflit. Aujourd’hui, le mouvement est autrement plus puissant. Les images de drones récemment publiées par le Hezbollah ont démontré sa capacité à pénétrer les défenses israéliennes et à enregistrer des vidéos de positions israéliennes sensibles. Une offensive israélienne provoquerait une attaque massive de roquettes et de missiles du Hezbollah. Ces « barrages » de projectiles ont probablement la capacité à submerger au moins partiellement les défenses aériennes d’Israël et à frapper des infrastructures civiles à travers le pays.
En plus, divers rapports militaires soulignent que l’Etat juif manque de munitions en raison de sa guerre contre Gaza, ce qui pose des limites à sa capacité à lancer une nouvelle offensive de longue durée au Sud-Liban. Enfin, une guerre à grande échelle entraînera probablement une intervention directe et indirecte de plusieurs acteurs étatiques et non étatiques de tout le Moyen-Orient, notamment l’Iran, principal allié du Hezbollah, ainsi que des milices iraqiennes et syriennes. Un scénario que ne souhaite pas Israël.
Pour toutes ces raisons, et malgré la rhétorique de plus en plus belliqueuse des politiciens israéliens et l’annonce en juin par l’armée israélienne que la planification d’une offensive au Liban était terminée, des responsables américains ont estimé en privé que le gouvernement de Netanyahu était conscient du danger d’une guerre avec le Hezbollah et ne cherche pas, par conséquent, à déclencher un conflit total.
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