Je crois que la plupart de l’humanité, y compris ceux qui suivent de près les événements, sait parfaitement bien que les massacres sont devenus un acte quotidien pratiqué par les forces de l’occupation. Au début, ces crimes ont suscité la dénonciation et le refus à l’échelle mondiale, mais un peu plus tard, hommes des médias et hommes politiques ont coexisté avec ces réalités atroces et les ont considérées comme un fait accompli, bien que non reconnues par les agresseurs. Le tout tombe dans l’oubli jusqu’à ce qu’un nouveau massacre encore plus atroce survienne.
Rappelons dans ce contexte le massacre du camp d’Al-Nuseirat perpétré le 8 juin dernier, le plus atroce et le plus barbare. Au cours des raids, les hélicoptères Apache et les avions F-16 ont frappé les civils au centre de Gaza. Le bilan était lourd : 274 Palestiniens ont trouvé la mort et 698 ont été blessés.
Ce massacre a été commis de manière délibérée car l’Etat hébreu voulait récupérer quatre otages israéliens. Le journaliste palestinien Abou-Bakr Al-Abed, témoin du massacre, a déclaré : « Je pouvais entendre les cris des enfants. Les mains de ma mère tremblaient sous le choc. Mon père ne cessait de prier à chaque fois que le son des bombes approchait. Nous nous sommes tous rassemblés dans une seule chambre pour réciter la chahada et attendre que le plafond s’écroule sur nos têtes ».
Quelle a été la réaction des médias occidentaux face à ce massacre collectif ? Les manchettes se sont concentrées sur l’opération de sauvetage. Des centaines de martyrs ont perdu la vie entre les louanges de l’opération de sauvetage et la couverture détaillée de l’accueil des anciens otages et de leurs déclarations. Ajoutons à cela les communiqués des radicaux, y compris des ministres israéliens, qui revendiquent davantage d’opérations similaires à celle du 8 juin.
Ni les médias ni la presse n’ont pris le temps ni n’ont eu l’intention de publier des informations sur le massacre et sur les morts innocents. Ces martyrs ne sont que des chiffres parmi le nombre de morts annoncés quotidiennement, et qui sont malheureusement minimisés par Israël. Les mots ont perdu leur sens lorsque le massacre a été considéré comme un incident passager dans une opération de récupération d’otages plus large et plus ciblée. Selon cette version, les agresseurs n’ont pas visé les civils. Mais que serait-il advenu si l’opération avait été délibérée ? Les victimes auraient-elles été en milliers ? Dans ce cas, les centaines de victimes seraient-elles insignifiantes ? Le journaliste palestinien a qualifié ceux qui analysent les données selon cette perspective de « criminels linguistiques », au même titre que ceux qui commettent des crimes de meurtre par leur arme. Mais ceux qui perpètrent des crimes par leur plume sont pires et plus dangereux.
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