« Il est clair qu’il y a tous les critères du crime de génocide », affirme Gilles Devers, avocat français chevronné, représentant des victimes.
Le génocide est considéré comme le crime le plus grave au regard du droit international, en comparaison avec ceux de guerre et contre l’humanité. La Convention de l’Onu pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 le définit comme « l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, en tant que tel ». Elle énumère cinq actes pouvant entraîner une telle destruction : le meurtre de membres du groupe, le fait de causer à ce dernier des dommages corporels ou mentaux graves, de lui infliger délibérément des conditions de vie calculées pour entraîner sa destruction physique en tout ou en partie, de lui imposer des mesures destinées à empêcher les naissances et/ou de transférer de force des enfants du groupe vers un autre groupe.
Cette définition comprend deux composantes. La première est matérielle — les cinq actes susmentionnés — et peut être observée empiriquement. Sous cet angle, l’offensive d’Israël contre la bande de Gaza constitue un « cas d’école de génocide », selon plusieurs juristes. Et de citer trois actes génocidaires accomplis par Israël : tuer en masse, causer des dommages corporels graves et prendre des mesures calculées pour provoquer la destruction du groupe. Les preuves : le bilan provisoire des attaques israéliennes, annoncé le 16 novembre par le ministère de la Santé à Gaza, fait état de plus de 11 500 morts, dont 4 710 enfants et 3 160 femmes, et de 29 800 blessés, dont 70 % sont des enfants et des femmes, la destruction massive des infrastructures et des habitations et l’interdiction d’entrée des produits de première nécessité, comme l’eau, la nourriture, le carburant, l’électricité et les fournitures médicales.
L’autre composante du génocide est mentale : « l’intention de détruire » un groupe « en tant que tel ». Elle est plus difficile à prouver. Par « en tant que tel », la Convention signifie que les victimes doivent être délibérément ciblées non pas en tant qu’individus, mais en raison de leur appartenance à un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Pour prouver que l’intention existe, la jurisprudence a exigé l’existence d’un plan ou d’une politique d’Etat ou d’organisation visant à détruire un groupe en totalité ou en partie. Les déclarations des responsables politiques peuvent aider à étayer ce cas. Concernant Israël, les déclarations abondent dans ce sens. Le 7 octobre, le premier ministre, Benyamin Netanyahu, a déclaré que les Gazaouis paieraient un « prix énorme » pour les actions du Hamas et que l’armée israélienne transformerait des parties des centres urbains densément peuplés de Gaza « en décombres ». Le 28 octobre, il ajoute, citant le Deutéronome, le 5e livre de la Bible ou Ancien Testament : « Tu dois te souvenir de ce qu’Amalek t’a fait. Comme beaucoup d’Israéliens le savent, pour se venger de l’attaque d’Amalek, la Bible appelle à tuer aussi bien les hommes que les femmes, les enfants et les nourrissons ». Le président d’Israël, Isaac Herzog, a de son côté relevé que ce n’était pas seulement le Hamas, mais tous les habitants de Gaza qui étaient responsables de l’attaque du 7 octobre, alors que le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a qualifié les Palestiniens d’« animaux humains ». Quant au ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Avi Dichter, il a révélé que la campagne militaire à Gaza était explicitement conçue pour forcer le déplacement massif des Palestiniens. « Nous déployons maintenant la Nakba de Gaza », a-t-il affirmé en allusion à l’expulsion des Palestiniens de leurs terres en 1948, ce qui indique également une intention de nettoyage ethnique. Son homologue du Patrimoine, Amihai Eliyahu, a évoqué, lui, la possibilité d’une frappe nucléaire contre la bande de Gaza. Ce qui a été interprété comme l’intention de tuer tous les Palestiniens de l’enclave.
Ces déclarations qui diabolisent les Palestiniens, les traitent en sous-hommes, les déshumanisent en les comparant aux « animaux » et les désignent comme une population ennemie tendent à prouver l’intention de détruire le groupe. A l’examen de cette rhétorique, couplée aux bombardements aveugles visant à tuer en masse des civils et à la politique de privation des nécessités de base et des soins médicaux, le résultat est sans appel et tend à prouver l’intention de génocide.
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