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La crise politique du Liban

Samedi, 19 août 2023

Lorsqu’il est question de discuter des conjonctures de notre région arabe, certains d’entre nous parlent de la libanisation du monde arabe.

Selon les tenants de cet avis, les circonstances et les crises que vit le pays du Cèdre ont des caractères très distinctifs, qui sont également le reflet d’autres incidents qui marquent toute la région. Vendredi 4 août était un jour pas comme les autres pour un nombre de Libanais, qu’ils soient à l’intérieur du pays ou en exil. Cette date leur a fait rappeler l’explosion de l’un des bâtiments du port de Beyrouth, il y a 3 ans. D’aucuns la considèrent comme l’une des plus grandes explosions non nucléaires de l’histoire, qui a fait un lourd bilan : 230 tués et 500 blessés. Cette explosion et l’échec des enquêtes 3 ans après la catastrophe ne sont que le reflet de l’une des théories en sciences politiques que l’on appelle « l’Etat en faillite ».

Dans un précédent article, j’ai discuté comment les sciences politiques et leurs théories peuvent diagnostiquer le cas libanais. Et j’avais cité comme exemple la théorie de « la démocratie consensuelle » basée sur le consensus des différentes communautés libanaises, et comment ce consensus et ses négociations répétées ont conduit à l’existence d’un système politique féodal. Il suffit de nous rappeler que le président du parlement libanais, Nabih Berry, qui représente la communauté chiite, garde son poste depuis 31 ans. Ce qui veut dire que toute une génération de Libanais d’âge mûr, soit la quarantaine, ne connaît personne d’autre que lui. Le féodalisme politique et son manque de transparence conduisent, bien sûr, à la propagation de la corruption. Dernièrement, le mandat du gouverneur de la Banque Centrale, Riad Salamé, a pris fin après 30 ans en fonction et il est maintenant jugé pour corruption. Cette époque a vu l’effondrement de la livre libanaise de plus de 95 % de sa valeur par rapport au dollar.

En vertu de la théorie de « l’Etat en faillite », il faut diagnostiquer ce que le Liban vit actuellement. La solution est donc de choisir une troisième théorie connue en sciences politiques, celle de la gouvernance, qui est composée de 6 indicateurs que le Groupe de la Banque mondiale applique actuellement. Bref, la base de la théorie de la gouvernance est l’aspect politique, qui repose sur la légitimité du régime, en particulier sa capacité à régler les différends politiques, à éliminer la corruption et à assurer la stabilité du pays.

La réforme du régime politique est certes prioritaire pour le Liban. Cependant, le processus est long et requiert beaucoup d’efforts à cause de la nécessité d’éliminer tous les hommes politiques féodaux actuels et de les remplacer par du sang nouveau. Pour gagner du temps, il faut commencer par le niveau politique et se mettre d’accord sur le choix du nouveau président de la République, au lieu de l’actuel, dont le mandat a expiré en octobre dernier. Douze tentatives parlementaires ont échoué à choisir son successeur. Cette solution sera une percée politique qui doit être accompagnée de la résolution de la crise financière, d’autant plus que 18 % de la population souffrent actuellement de la pauvreté, et de 50 % à 75 % des enfants souffrent de malnutrition. Ce qui veut dire que la génération future sera touchée.

Ajoutant que le Liban a la chance d’avoir de nombreux amis internationaux désireux de l’aider, quelles que soient leurs motivations, comme les Etats-Unis, la France ou l’Arabie saoudite. En plus, les Libanais qui travaillent à l’étranger sont toujours attachés à leur pays et à leurs familles, et leur argent envoyé contribue à environ 8 % du PIB libanais. Tous ces facteurs représentent autant de soutiens efficaces qui aident à résoudre les problèmes du Liban, y compris le nouveau problème de l’augmentation du nombre d’immigrants syriens.

La condition fondamentale est la coopération de l’élite politique, afin de profiter des moyens de soutien disponibles, et l’entrée d’un sang neuf qui repêchera le Liban du féodalisme politique et de la corruption.

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