C’est vraisemblablement ce qui nous arrive maintenant. Mais l’excitation n’est pas toujours heureuse comme ce fut lors de la propagation du Covid-19 et du déclenchement de la guerre ukrainienne. Maintenant, nous nous sentons satisfaits de la surprise de l’accord saoudo-iranien sur le rétablissement des relations diplomatiques et de l’ensemble des indices qui reflètent le respect de chaque partie des intérêts de l’autre. L’accord a constitué une surprise, car les débuts ont apparu il y a des années, lors de l’annonce de la Déclaration d’Al-Ola au terme du sommet du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui a appelé à l’apaisement des tensions dans les conflits régionaux. Suite à cette déclaration et grâce à une médiation iraqienne, un dialogue a été entamé entre Téhéran et Riyad. Puis Oman est intervenu au dialogue afin d’y inclure la question du Yémen. Pendant deux ans, malgré les énormes efforts diplomatiques déployés, le dialogue n’a abouti à rien. Mais ceci n’était pas tout à fait précis. Parfois, les négociations peuvent ne pas aboutir, mais au moins elles mettent sur la table les questions litigieuses et l’opinion de chaque partie à leur égard.
C’est là qu’est intervenue la Chine, au milieu de la guerre ukrainienne, avec une initiative de paix. Il y a quelques mois, lors des sommets tenus à Riyad, il était clair que la Chine et l’Arabie saoudite étaient parvenues à un consensus politique sur des intérêts stratégiques conjoints basés sur le pétrole saoudien et la participation de la Chine au plus grand processus d’investissement réformateur jamais vu dans l’histoire moderne de la péninsule arabique. L’Iran est également parvenu à un consensus tout aussi important avec la Chine. Celle-ci met l’Iran à l’abri des sanctions américaines, alors que Téhéran fournit à Pékin du pétrole via des contrats aux prix réduits. La relation étroite de la Chine avec les deux parties saoudienne et iranienne lui a permis de convaincre chaque partie que les conjonctures mondiales actuelles lui permettent de réaliser ses principaux intérêts, et surtout de réaliser certains avantages et d’écarter certains risques.
Lorsqu’a été publiée la déclaration tripartite saoudo-irano-chinoise sur le rétablissement des relations politiques, diplomatiques et sécuritaires entre Riyad et Téhéran, une question s’imposait: où étaient les Etats-Unis d’une manoeuvre aussi importante au Moyen-Orient°? Et ce, car l’accord a été conclu avec l’Arabie saoudite qui entretient des relations étroites et historiques avec Washington, et malgré l’écart croissant entre les deux pays sous l’Administration Biden, ces derniers mois ont vu des efforts pour rapprocher les deux pays. Quant à l’Iran, il est, selon les normes américaines, l’adversaire de longue date qui menace les Etats-Unis sur plus d’un front, dont le plus important est la tentative de détenir l’arme nucléaire. Quant à la Chine, le médiateur de l’accord, elle est désormais le concurrent numéro un des Etats-Unis dans les relations internationales, et c’est elle qui a finalement attiré l’attention mondiale avec son initiative de paix pour régler la crise ukrainienne. En réalité, les Etats-Unis étaient au courant des négociations et des tentatives de parvenir à un accord grâce à une médiation chinoise, après avoir été informés par l’Arabie saoudite et peut-être aussi par la Chine. La réaction américaine n’a été ni hostile, ni empreinte de déception. Elle était plutôt porteuse d’espoir que cet accord apporte une solution à la crise yéménite. C’est là qu’émergent les dimensions stratégiques et les priorités américaines dans la région.
Alors que la guerre russe fait rage sur le sol ukrainien, personne à Washington ne veut d’une autre guerre au Moyen-Orient. Atténuer les menaces contre la sécurité de l’Arabie saoudite et terminer la guerre chez son voisin yéménite qui surplombe la mer Rouge et le détroit de Bab Al-Mandab seraient alors une bénédiction. Vu que les Etats-Unis ne peuvent ni fournir d’engagement contractuel de sécurité au Royaume ni lui fournir des installations nucléaires, l’accord empêchera non seulement la guerre, mais ouvrira également de nouvelles opportunités pour la reprise des négociations sur le programme nucléaire iranien. La médiation de la Chine est donc bénéfique tant que personne ne veut une confrontation avec l’Iran, que ce soit en conséquence d’un comportement iranien ou d’une initiative stupide d’Israël. Tel est le problème !
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