Si les gens sont divisés entre optimistes et pessimistes, je pense que je ferai partie de la première catégorie. Cependant, lorsqu’il est question d’apporter un jugement tangible, mieux vaut étayer son jugement de chiffres, d’arguments et de l’avis de spécialistes qui possèdent une longue expérience. Je voudrais, à cette occasion, mettre en avant les articles du Dr Mohamed Al-Erian dans le périodique de renom Foreign Policy. L’économiste d’origine égyptienne a publié, il y a une semaine, un article intitulé « Ce n’est pas uniquement une récession économique. Pourquoi l’économie mondiale ne sera plus ce qu’elle était ? ». En réalité, le contenu de cet article, analysé par les cercles médiatiques et journalistiques, est parfaitement en accord avec ce qui a été dit au Dialogue économique égyptien qui a pris fin il y a quelques semaines. Celui-ci s’était focalisé sur l’économie égyptienne et la conjoncture économique mondiale. Le dialogue ne s’est pas beaucoup arrêté aux répercussions de la crise économique mondiale bien qu’il ait évoqué brièvement les tournants amers qu’elle prendra. Quoique concis, le message lancé par ce dialogue représentait une mise en garde considérable. Bien que la conférence ait affirmé que la crise économique en Egypte revenait en grande partie à la crise mondiale, elle n’a fait aucune mention des effets de celle-ci sur le long terme.
Al-Erian, qui a présidé le Conseil de développement global à l’époque du président Barack Obama, ainsi que plusieurs institutions mondiales dans le domaine de l’investissement, a parlé dans son article de trois tournants décisifs en ce qui a trait à l’économie mondiale. Celle-ci n’est pas confrontée aux cycles inflationnistes habituels suivis de récession, mais à des tournants qui vont bouleverser la donne. Le premier de ces revirements a été causé par la pandémie du Covid-19. Il s’agit de l’injection de dons financiers dans l’économie mondiale afin de maintenir sa viabilité. Par conséquent, la demande a augmenté en comparaison avec l’offre. La guerre en Ukraine a mis de l’huile sur le feu avec les sanctions économiques et la guerre de l’énergie. Les perturbations liées au Covid-19 et à la guerre en Ukraine ont affecté les chaînes d’approvisionnement et leur délocalisation. Il est prévu à présent que les crises qui découlaient de la demande se transforment en crises résultant de l’absence de l’offre.
Le deuxième revirement se rapporte à l’inflation, à la récession et aux mesures prises par les Banques Centrales qui ont augmenté ou baissé leurs taux d’intérêt. Ces mesures ont amené les grandes économies, comme celles des Etats-Unis et du Royaume-Uni, à adopter des mesures protectionnistes contre des pays qui soutiennent les politiques de libre-échange. La guerre en Ukraine a paralysé le G20 et en réaction, la Chine s’est déconnectée des Etats-Unis.
Le troisième revirement résulte également de la pandémie du Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Si la première a forcé les gouvernements à confiner les employés, la seconde a généré un manque de confiance énorme en l’ordre économique mondial. Le travail en ligne a donné lieu à des déséquilibres sur le marché du travail. Les multinationales ont cherché à assurer leur survie sur le marché et se sont souciées moins de l’innovation technologique et de l’ouverture de nouveaux marchés. Dans de telles conditions, il devient difficile d’injecter du sang neuf dans la mondialisation et de revitaliser l’économie mondiale. Nous nageons cette fois-ci à contre-courant.
Pour résumer, il y a énormément de déficiences économiques qu’il m’est difficile de déchiffrer, étant donné que je ne suis pas économiste. Mais, en tant que politologue, je comprends que toute mise en garde lancée dans n’importe quelle partie du globe doit avoir un écho en Egypte. Elle devient l’objet d’examen. Telle est la vision du Dr Mohamed Al-Erian que l’on ne peut guère ignorer.
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