La société égyptienne affronte-t-elle une crise à laquelle il faudrait des solutions sages et créatives ? La réponse est certainement positive. Cependant, avant de parler d’initiatives proposées par les partisans des Frères musulmans et qui sont basées sur une supposition impossible, comme le retour du président Morsi au pouvoir, il faut connaître les causes réelles et profondes de la crise.
Avant tout, il faut dire qu’il est surprenant de voir des intellectuels et activistes politiques connus proposer une initiative qui cherche à revenir en arrière et annuler les effets de deux vagues révolutionnaires sans précédent dans l’histoire moderne de l’Egypte, voire du monde entier.
En effet, la vague révolutionnaire du 30 juillet a dépassé les prévisions de la campagne Tamarrod (rebelle), alors que des millions de citoyens de toutes les classes sociales avaient signé la pétition pour annoncer mettre fin au régime de Morsi. La seconde vague du 26 juillet 2013 a été une réponse à l’appel du général Al-Sissi, comme mandat pour lutter contre la violence et le terrorisme.
La réalité est que le pouvoir des Frères musulmans est passé en très peu de temps d’un pouvoir démocratique dont la légitimité est basée sur les résultats des scrutins présidentiels et parlementaires, à un pouvoir despote. Car de nombreuses décisions ont été adoptées par la présidence et dont la plupart ont été refusées par la Haute Cour constitutionnelle et les Cours administratives. La pire est la déclaration constitutionnelle de l’ex-président Mohamad Morsi pour s’attribuer des pouvoirs absolus.
Il n’est pas ici question d’aborder les questions relatives à la « frérisation » de l’Etat et à l’islamisation de la société, auxquelles il faut des preuves pour montrer combien la confrérie tentait de dominer toutes les instances de l’Etat, sans prendre en considération la compétence des personnes, mais juste leur loyauté.
Les Frères musulmans ne se sont pas contentés de s’accaparer du pouvoir et d’exclure tous les partis politiques opposants du cercle de prise de décision. Le président isolé s’est engagé dans des conflits violents avec les institutions de l’Etat. D’abord, il y a eu un différend profond avec les forces armées autour des considérations relatives à la sécurité nationale. Et aussi un conflit stérile avec les institutions judiciaires en révoquant de façon illégitime le procureur général et en nommant illégalement un autre procureur qui reçoit, par infraction à la loi, des ordres directs du président de la République. Vient ensuite le combat avec les médias à travers l’encerclement par les foules salafistes de la Cité médiatique ou à travers les menaces de fermer des chaînes satellites critiquant le régime des Frères musulmans. Enfin, le dernier combat avant la chute définitive, avec les intellectuels et les artistes suite à la nomination d’un ministre de la Culture islamiste et peu au fait du monde des arts. Les premières décisions de celui-ci ont été de révoquer toutes les directions du ministère de la Culture pour préparer sa « frérisation ».
On se demande alors comment la révolte du 30 juin n’a pas été vue comme décision populaire demandant la chute des Frères musulmans et annonçant l’échec politique de ce pouvoir qui a mélangé la religion et la politique. Comment alors demander maintenant le retour de Morsi ? Cela est une sous-estimation de la volonté populaire et du soutien accordé par les forces armées au peuple, en répondant à son appel et en prenant la décision d’isoler le président de la République, malgré les nombreux avertissements l’appelant à régler les problèmes politiques.
La réalité est que les personnes à l’origine de cette initiative — des intellectuels respectueux appartenant au courant de l’islam politique — n’ont pas voulu clairement reconnaître la chute du projet islamique dont les caractéristiques ne sont pas claires. Elles sont plutôt basées sur des illusions comme le rêve de ressusciter le large califat islamique. Mais de quel califat islamique dans le contexte international, régional et local actuel ? Comment les Frères musulmans peuvent-ils penser que l’Egypte puisse devenir un simple Etat islamique de ce calife, dont la capitale n’est pas Le Caire, mais Jérusalem ?
Quand la confrérie s’est accaparé le pouvoir en Egypte, il s’est avéré qu’elle ne possédait aucun projet à part joindre la politique à la religion. Ce point est la source du déséquilibre dans la structure intellectuelle de la confrérie. Une simple comparaison avec l’expérience européenne prouve que les Etats européens modernes n’ont pu réaliser d’essor qu’après avoir séparé la religion de la société civile. De plus, toutes les tentatives modernes de fonder ce qu’on appelle un Etat islamique ont échoué. Il devient donc impératif d’adopter toutes les procédures politiques, constitutionnelles et juridiques aptes à garantir cette séparation, sinon, tout développement sera impossible.
Mais un autre problème a fait surface. Les défauts de la démocratie traditionnelle sont apparus quand les Frères musulmans ont insisté à détenir leur légitimité par les urnes alors que ces dernières ne constituaient qu’un simple mécanisme pour pratiquer leur despotisme politique.
Nous avons donc besoin d’une créativité politique pour nous engager dans le monde de la démocratie basée sur la participation, et remédier aux défauts de la démocratie parlementaire traditionnelle.
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