Nous sommes en juin 2013 dans le contexte de l’après-Printemps arabe. En Egypte, la Révolution du 30 Juin éclate et mène à la destitution de l’ancien président frériste Mohamad Morsi. A Ankara, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, reçoit la nouvelle avec exaspération. La chute des Frères a certes bouleversé les calculs du régime turc à coloration islamiste. Depuis le déclenchement du Printemps arabe, Erdogan avait suivi une politique pro-islamiste dans le monde arabe. Celle-ci consistait à soutenir les mouvements de l’islam politique un peu partout dans la région avec l’espoir de les voir un jour accéder au pouvoir. Erdogan est alors sur tous les fronts. En Syrie, il soutient la rébellion armée. En Egypte, il tente d’apporter un soutien aux Frères musulmans au pouvoir. Et idem en Tunisie.
Mais le rêve islamiste du président turc ne se réalisera jamais. Les islamistes sont défaits en Syrie après l’intervention de la Russie. En Egypte, leur régime est destitué après des manifestations populaires, et même en Tunisie ils sont confrontés à de multiples problèmes. Erdogan tente alors de s’infiltrer en Libye en soutien au Gouvernement d’union nationale de Fayez Al-Sarraj, lui aussi à coloration islamiste. Mais l’équilibre des pouvoirs dans ce pays l’oblige à tempérer et à accepter le départ d’Al-Sarraj au profit d’un autre gouvernement plus représentatif des factions libyennes.
Erdogan a payé cher sa politique pro-islamiste. Ses interventions militaires en Syrie et en Libye, mais aussi en Iraq, ont créé des frictions avec le monde arabe, et son soutien incessant aux islamistes lui a valu l’hostilité de deux puissances majeures du monde arabe, l’Egypte et l’Arabie saoudite. Il se retrouve aujourd’hui isolé dans une région qui était censée être à la tête de ses priorités lorsqu’il est arrivé au pouvoir. Pour contrer l’infiltration turque en Libye et en Méditerranée, l’Egypte a noué une alliance avec l’ennemi juré de la Turquie, la Grèce. L’arrivée de Biden au pouvoir aux Etats-Unis et l’évolution de la dynamique régionale ont accentué l’isolement d’Erdogan. Le Qatar, l’un de ses rares alliés, a réintégré le giron du Conseil de Coopération du Golfe (CCG).
Aujourd’hui, Erdogan se rend compte que sa politique pro-islamiste a été une erreur qui a coûté cher. Il veut à présent « casser » son isolement et renouer avec les pays arabes. D’où les messages d’apaisement envers Le Caire. Le président turc sait que l’Egypte est la clé du monde arabe.
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