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Les déboires d’Abiy Ahmed

Mercredi, 10 mars 2021

Lorsque le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, a pris ses fonctions en avril 2018, l’heure était à l’euphorie à tel point que l’on a assisté à des scènes de liesse à Addis-Abeba. Jeune, charismatique et animé d’une grande ambition, l’homme était perçu comme un grand réformiste, celui qui allait sans doute révolutionner l’Ethiopie et la sortir de son marasme. Durant la première année de son mandat, Abiy Ahmed multiple les actes de réconciliation en libérant des milliers de prisonniers politiques et surtout en concluant un accord de paix avec l’Erythrée, ennemi juré de l’Ethiopie, ce qui lui a valu la réputation « d’homme de paix ». Il obtient d’ailleurs le prix Nobel de la paix en 2019.

Mais l’homme allait changer rapidement de trajectoire. Dans un pays extrêmement polarisé sur le plan ethnique, il cherche à imposer sa vision unitariste qui vise à éloigner l’Ethiopie de la politique ethnique sans vraiment s’attaquer aux problèmes de fonds, une manoeuvre, dit-on, pour mettre fin au système fédéral stipulé par la Constitution de 1991. Il dissout plusieurs partis ethniques et tente de les intégrer au sein d’une formation pan-éthiopienne, le parti de la Prospérité. Par ailleurs, il procède à des purgations au sein de l’armée et écarte de nombreux Tigréens qui faisaient partie de la coalition au pouvoir depuis 1991. Ces orientations provoquent mécontentement et frustrations des groupes ethniques en quête de reconnaissance.

Le report des élections de 2020 est le détonateur qui fait exploser le conflit au Tigré. Les Tigréens, exclus du pouvoir, contestent l’autorité du premier ministre. On a alors vu l’homme de paix se transformer soudainement en chef de guerre. Il ne peut s’empêcher de recourir à la manière forte qu’il dénonçait lui-même par le passé. Il mobilise rapidement ses généraux et ordonne une opération pour « maintenir l’ordre ».

Mais le conflit au Tigré va ouvrir les portes de l’enfer pour Abiy Ahmed. De nombreuses violations sont commises et entre 2 et 4 millions de personnes sont exposées à la famine. Pire encore, les affrontements au Tigré peuvent dégénérer en conflit régional généralisé. La communauté internationale s’interroge et les associations des droits de l’homme dénoncent des « violations en série ». Impétuosité ou mauvais calcul ? Probablement les deux. Le premier ministre éthiopien se retrouve empêtré dans des problèmes sans fin sur plusieurs fronts.

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