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Redémarrage américano-palestinien

Wednesday 3 févr. 2021

C’est un nouveau départ qui s’an­nonce entre les Palestiniens et les Etats-Unis. A peine entrée en fonc­tion, la nouvelle Administration américaine a donné le ton en annon­çant son intention d’abolir presque toutes les politiques de l’ancien pré­sident, Donald Trump, envers les Palestiniens. Le représentant améri­cain par intérim à l’Onu, Richard Mills, a annoncé le 26 janvier que son pays allait rétablir ses relations avec l’Autorité Palestinienne (AP) et reprendre son aide économique et humanitaire et réaffirmé le soutien de Washington à une solution à deux Etats. Mills a notamment exhorté le gouvernement israélien à éviter les mesures unilatérales qui rendent cette solution difficile, telles que l’annexion de territoire, les activités de colonisation et les démolitions de maisons.

De son côté, l’AP a mis en place une stratégie pour une amélioration des liens avec Washington après trois ans de boycott de l’Administra­tion Trump. La pièce maîtresse de cet effort est son intention de modi­fier la façon dont elle paie les alloca­tions aux familles de militants tués par Israël ou incarcérés dans ses prisons pour des actes de violence contre des Israéliens. La politique modifiée fonderait ces allocations sur les besoins financiers des familles des prisonniers plutôt que sur la durée des peines de ces der­niers, ce qui marquerait un éloigne­ment d’une pratique qui a longtemps été un point de friction avec Washington. Les dirigeants palesti­niens ont longtemps défendu ces paiements, les décrivant comme une forme de protection sociale et d’in­demnisation nécessaire aux victimes palestiniennes du système de justice militaire inique d’Israël. Au cours de l’année écoulée, des responsables américains ont averti Ramallah que le fait de ne pas changer substantiel­lement de politique constituerait un obstacle majeur à l’amélioration des relations avec Washington.

Dans son effort de reconstruire les liens avec les Etats-Unis, le pré­sident Mahmoud Abbas a récem­ment annoncé la prochaine tenue d’élections générales dans les Territoires palestiniens pour la pre­mière fois depuis environ 15 ans. Les législatives et la présidentielle sont prévues respectivement le 22 mai et le 31 juillet prochains, alors que l’élection du Conseil national palestinien, qui représente les Palestiniens à l’étranger, a été fixée au 31 août. Les factions palesti­niennes ont tenté à plusieurs reprises d’organiser des élections au cours de la dernière décennie, mais chaque tentative a été sabordée par divers obstacles, notamment de fortes divi­sions entre le Fatah, le parti qui contrôle largement l’AP qui gou­verne la Cisjordanie, et le Hamas, un groupe islamiste qui contrôle la bande de Gaza. La promesse d’élec­tions présente toutefois des défis inhérents aux relations américano-palestiniennes. Le mouvement rival du Fatah, le Hamas, est considéré comme un groupe terroriste par les Etats-Unis. Il n’est pas clair com­ment les rapports avec Washington évolueraient si le Hamas prenait le contrôle d’un organe directeur de l’AP. Il en va de même pour les rela­tions avec Israël, qui considère éga­lement le Hamas comme une organi­sation terroriste.

L’AP cherche aussi à convaincre l’Administration du président Joe Biden de désigner comme inconsti­tutionnelle la législation du Congrès de 1987 qui qualifiait l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) « et ses affiliés » de groupe terro­riste. Elle espère que cela ouvrira la voie à une relation bilatérale renou­velée dans laquelle Ramallah est considéré comme un partenaire plus égalitaire, indépendamment du pro­cessus de paix avec Israël.

Cette législation est restée en place malgré les évolutions posi­tives intervenues depuis l’accord de paix d’Oslo de 1993, à la suite duquel Israël a reconnu l’OLP comme le représentant du peuple palestinien. L’organe directeur de l’AP, qui a été formé dans le cadre de cet accord, a signé des conven­tions antiterroristes bilatérales avec les Etats-Unis et Israël. Toujours dans le cadre de l’accord, l’ancien président de l’OLP, Yasser Arafat, a publiquement renoncé à la violence comme moyen de parvenir à l’auto­détermination. Tout en gardant la législation de 1987, le Congrès a autorisé l’ouverture d’une mission diplomatique de l’OLP à Washington à condition que le président signe une dérogation tous les six mois sti­pulant que celle-ci était dans l’inté­rêt national des Etats-Unis. En 2011, le Congrès a imposé des conditions supplémentaires à la présence de la mission, dont une exigeant que le président certifie que « les Palestiniens ont entamé des négo­ciations directes et significatives avec Israël ». Cela a conditionné les relations de Washington avec les Palestiniens à un processus de paix substantiel et augmenté les pres­sions sur ces derniers pour qu’ils acceptent des conditions qu’ils jugeaient biaisées en faveur d’Israël.

Le nouveau départ attendu des rapports américano-palestiniens ne devrait cependant pas produire une percée dans le processus de paix israélo-palestinien. Celui-ci ne représente pas une priorité immé­diate pour Biden, qui penchera au cours de sa première année sur les problèmes intérieurs des Etats-Unis, notamment les moyens de com­battre la pandémie de Covid-19 et de relancer l’économie. En poli­tique étrangère, ses priorités vont à la renégociation d’un accord sur le programme nucléaire de l’Iran pour y inclure des dispositions sur son programme de missiles balistiques et ses politiques déstabilisatrices au Moyen-Orient, ainsi qu’aux moyens de contrer les menaces en prove­nance de la Chine et de la Russie. L’équipe Biden elle-même a de très faibles attentes pour sortir de l’im­passe israélo-palestinienne, telle­ment les positions sont éloignées. Elle ne cherche pour l’heure qu’à réparer les dégâts produits par Trump et à rétablir une approche plus équilibrée entre Palestiniens et Israéliens ; les perspectives de pro­grès sur le front de la paix étant considérées comme lointaines en 2021.

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