Depuis plus d’un demi-siècle, et plus particulièrement depuis le début des années 1960, le monde connaît une mouvance de jeunesse sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Cette mouvance est passée de l’indignation à la colère, à la protestation, au refus de s’intégrer dans les statuts déjà existants pour arriver à la construction de leur propre monde. Cette mouvance, qui a pris le nom de « Youthquake », constitue l’assise d’une nouvelle phase de l’histoire du monde.
Selon le dictionnaire d’Oxford, le « Youthquake » est un changement énorme que les jeunes ont réussi à réaliser, que ce soit par des actes directs ou par l’exercice de pressions dans les domaines politiques, culturels, sociaux et économiques. Ce qui a mené à l’instauration d’un mode de vie différent de celui que le monde connaît. Ce changement, caractérisé par le dynamisme et la continuité et qui se prolonge depuis les années 1960 jusqu’à présent, a connu deux points culminants pendant les 50 dernières années : la révolution estudiantine de 1968 et la naissance des générations numériques ou la génération Google depuis la moitié des années 1990.
Premièrement, en ce qui concerne les événements de 1968, ou la génération de « l’improvisation », c’était un mouvement de protestation et de colère exprimé par la génération de l’après-Seconde Guerre mondiale. Ceux qui ont pris part à ce mouvement étaient les intellectuels. Cette génération a alors affiché son refus de s’intégrer dans des institutions qui monopolisent la connaissance, les richesses et la culture à travers une autorité paternelle, despote et tyrannique pratiquée contre les jeunes, les obligeant à accepter par la force des valeurs, des idées et des directives qui n’ont rien à voir avec leurs ambitions.
Ce que la génération des années 1960 a réussi à réaliser, c’est l’improvisation face au texte historique qui a guidé la trajectoire humaine au niveau des valeurs, des idées et des institutions. Il n’est plus obligatoire que les jeunes pratiquent la politique à travers la démocratie parlementaire ou reçoivent les valeurs culturelles et religieuses à travers les institutions officielles et traditionnelles. Ils ont alors fondé leur domaine public parallèle, dans tous les domaines.
Deuxièmement, la naissance de la génération numérique ou la génération Google et l’écriture d’un nouveau texte historique sont le résultat d’un essor au niveau de la connaissance, et par conséquent, d’un renouvellement technologique croissant. Cet état de fait a donné naissance à ce qu’on appelle « les jeunes numériques » qui ont réussi à assimiler et à digérer les trois vagues de libération du despotisme culturel, politique et économique. Ces vagues ont permis aux jeunes de pratiquer l’improvisation et d’écrire un nouveau texte qu’ils ont eux-mêmes inventé, aidés par l’essor réalisé dans le domaine des technologies numériques. C’est à partir de là qu’une nouvelle époque complexe est née. La génération numérique a vraiment réussi à créer un nouvel activisme sociétal qui ne s’est pas réalisé d’un seul coup, mais de façon graduelle et croissante à travers les générations X, Y puis en arrivant à la génération Z.
Dans ce contexte, il est possible d’enregistrer quatre traits essentiels qui caractérisent la génération numérique. Le premier trait est la rupture complète avec les générations précédentes. Effectivement, cette génération se lance seule dans l’acquisition de sa culture et de ses expériences dans tous les domaines, sans prendre en considération les aînés. Le deuxième trait est le désengagement aux références et médias traditionnels et la création de mondes indépendants. Grâce au progrès croissant au niveau de la connaissance, les sources auxquelles les jeunes ont eu recours se sont variées, et par conséquent, ils ont acquis la capacité de choisir leurs références et de rompre avec des références pour passer à d’autres plus utiles. Les générations X, Y et Z sont gérées par l’intérêt direct et palpable, le refus des certitudes et de la vénération et la volonté de créer des mondes nouveaux autres que la famille, l’institution éducative traditionnelle et l’institution religieuse. Les nouvelles références de la génération numérique sont les moteurs numériques de recherche (tel Google), les cybernet, les cafés et les discussions à travers les réseaux sociaux, etc. Le troisième trait est l’aspiration à ce qu’il y a de mieux. Grâce à la mondialisation en tant que culture transfrontalière, les jeunes contemplent des niveaux de vie distingués, des espaces libres et variés d’expression et une estimation sociétale naturelle et spontanée qui augmente envers les personnes créatives et celles qui font des réalisations importantes. C’est ainsi que les jeunes n’acceptent plus de renoncer à un niveau de vie décent, aux services, à l’égalité, à la dignité, aux libertés, etc. Ceci explique l’union des générations X, Y et Z partout sur la planète terre autour des mêmes slogans : la dignité humaine, la justice et la liberté. Ce sont les « cosmopolites numériques », ou comme on les appelle les jeunes citoyens numériques. Le quatrième trait est l’harmonie complète avec les technologies numériques et de communication, qui ressemblent à des gènes de force dont le rôle est d’améliorer les générations numériques consécutives. En effet, la génération actuelle Z est une évolution génétique des générations précédentes.
Pour mieux comprendre la génération Z, on peut citer certaines vérités. La première est que les jeunes d’aujourd’hui choisissent ce qui est capable d’être leur expression et celle de leur réalité loin du cliché de la belle ancienne époque que certains insistent à leur imposer. C’est pour cela qu’ils oeuvrent calmement à créer une nouvelle époque, avec ses génies, ses symboles et ses personnalités, qui jouissent d’une légitimité directe de la part des jeunes sans tutelle ni directives de la part des prêtres, des médias et de la culture. Une nouvelle époque qui inclut des idées et une production culturelle variée et où ils voient leurs rêves et leurs soucis sans aucun embellissement.
La deuxième vérité est qu’il existe un réseau de communication et de solidarité que les jeunes créent entre eux, malgré leurs différences. Ce réseau est parallèle à tous les réseaux organisés et institutionnels, et ses membres tentent de créer un monde propre à eux où ils produisent leurs idoles et leurs symboles, conformément à leurs normes, et où ils échangent les expériences selon les nécessités effectives de la vie.
La troisième vérité est que les jeunes n’accordent aucun intérêt aux remarques et critiques adressées à leur nouveau monde. Ils ont décidé de donner le dos aux machines de réglage dans toutes les institutions destinées à diriger et guider les jeunes.
Il est donc question d’écrire le texte d’une nouvelle histoire qui diffère totalement de celle écrite par les jeunes des années 1960, un texte qui se caractérise par le renouvellement, l’ouverture et le changement continu, car les nouvelles technologies aident, incitent et imposent ceci.
Nous vivons donc un grand état de refus de tout ce qui est ancien accompagné d’une tendance précipitée à former une nouvelle époque et poussée par l’insistance des jeunes à dépasser tout ce qui est ancien : les personnalités, les institutions, les politiques, les directives. Pour les jeunes, tout ceci est responsable des conditions auxquelles nous sommes arrivés et qui ne leur plaisent pas. Ils pensent aussi que la réalité sociétale n’est plus capable de les assimiler et de leur présenter ce qu’ils veulent. Ils doivent donc se lancer sans autorisation, parce que c’est leur droit, dans l’écriture de leur propre histoire.
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