Lundi, 11 décembre 2023
Opinion > Opinion >

L’Europe et le Moyen-Orient

Sunday 29 nov. 2020

Le monde connaît de profondes mutations. L’avènement de la Chine et le recul des Etats-Unis consti­tuent certes l’évolution la plus impor­tante. L’ex-président américain, Donald Trump, a franchi un grand pas sur la voie de la confrontation avec la Chine alors que le nouveau président démocrate, Joe Biden, cherchera sans doute à alléger les tensions entre les deux pays. Mais il sera incapable de freiner la montée de la Chine ou le recul des Etats-Unis. Dans ce contexte, quels sont les dangers qui nous guet­tent? Quels sont les meilleurs choix que nous pouvons faire pour nous protéger des intempéries ?

La Chine avance à vive allure pour occuper le devant de la scène interna­tionale. La montée de la Chine a commencé lorsqu’une direction qui donne la priorité au développement économique a accédé au pouvoir dans ce pays, abandonnant les idéo­logies communistes qui ont ligoté l’économie chinoise pendant des décennies. L’année 1976 a vu la mort de Mao Tsé-toung, le leader histo­rique de la Chine communiste, et de Zhou Enlai, son premier ministre, qui a mis à exécution ses idées. Cette année-là, l’économie chinoise n’a réalisé aucun développement. Au contraire, elle a enregistré une décroissance de moins 1,57%. Mais, ceci était bien meilleur que ce qui s’est passé en 1967, lorsque la Chine a enregistré une décroissance de moins 5,77%. Mais ces chiffres ne se sont plus répétés avec les dirigeants de la nouvelle ère chinoise. L’économie chinoise a fait d’énormes bonds en avant enregistrant des taux de croissance record atteignant plus de 15% en 1984. Entre 1988 et 2018, le taux de croissance moyen de la Chine a été de 9,5% par an. Un excellent chiffre qui, enregistré pen­dant 30 années consécutives, a per­mis à la Chine de devenir la plus grande économie du monde alors qu’elle était la 7e en 1980. L’économie américaine en 1980 était 9 fois plus grande que l’économie chinoise, ce qui évidemment n’est plus le cas aujourd’hui.

Pour la Chine, le Moyen-Orient est seulement une opportunité écono­mique que ce soit pour ses sources d’énergie ou ses grands marchés. Sinon, la Chine se préoccupe peu de ce qui se passe au Moyen-Orient. Les distances géographique et culturelle sont énormes entre notre région et la Chine.

La Chine a comblé rapidement le fossé qui la sépare des Etats-Unis. En même temps, les Etats-Unis souffrent d’une division interne qui déchire le tissu américain. Un fait qui affecte leur politique étrangère. Alors que les Américains démocrates soutiennent le rôle pionnier des Etats-Unis dans les domaines du climat, des fléaux et de la gestion de l’économie interna­tionale, les républicains préfèrent, eux, que leur pays se préoccupe seu­lement de ses affaires et arrête d’as­sumer une quelconque responsabilité envers le monde. Cependant, malgré leurs différends, tous les Américains s’accordent sur la nécessité que leur pays mette un terme à ses engage­ments au Moyen-Orient. Le retrait du Moyen-Orient est désormais le grand titre de la politique américaine dans la région. Une politique entamée par le président démocrate, Barack Obama, ancrée par le président répu­blicain, Donald Trump, et que pour­suivra sans doute le président démo­crate, Joe Biden.

Le Moyen-Orient ne représente plus un intérêt vital pour les Etats-Unis. La sécurité des Etats-Unis n’est pas vraiment affectée par ce qui se passe au Moyen-Orient. Le pétrole du Moyen-Orient n’a plus la même importance qu’il y a quelques années. Les Etats-Unis sont désormais auto-suffisants en pétrole et sont devenus le quatrième plus grand exportateur mondial de pétrole. Quant à Israël, il est devenu assez puissant pour comp­ter sur lui-même au niveau de la défense. Grâce à la technologie mili­taire avancée que lui octroie Washington, il n’a plus besoin de la présence américaine dans la région. En fait, la présence américaine au Moyen-Orient est embarrassante et coûteuse. Les habitants de la région n’ont oublié ni l’intervention améri­caine pour protéger Israël en 1973, ni l’invasion américaine de l’Iraq en 2003, ni les politiques de change­ment de régimes sous prétexte de répandre la démocratie en 2011. Le problème est que le retrait américain de la région est lui aussi embarras­sant et coûteux. Chaque vide laissé par les Etats-Unis crée un conflit entre les forces régionales et interna­tionales qui aspirent à combler le vide et à hériter du pouvoir améri­cain. Le vide laissé en Iraq est com­blé par l’Iran. Le vide laissé en Syrie est comblé par la Russie, la Turquie et l’Iran. Le chaos et les conflits per­sistent au Yémen car les Américains se préoccupent peu de ce qui s’y passe. En Libye, on trouve le monde entier sauf les Américains. On y trouve les Arabes du Golfe jusqu’à l’Atlantique. On y trouve les Européens, les Russes et les Turcs mais pas les Américains.

La Russie est une superpuissance qui cherche les espaces laissés par les Etats-Unis. Les Russes sont experts dans les arrangements tactiques pour réaliser leurs intérêts sans se donner la peine de développer une vision stratégique pour l’avenir de la région, comme s’ils disaient: « Nous nous sommes beaucoup préoccupés des intérêts des autres durant le passé soviétique. Il est grand temps mainte­nant de nous préoccuper de nos propres intérêts ».

Quant à l’Europe, c’est la partie qui se préoccupe le plus du destin du Moyen-Orient. Les deux régions sont liées par leur voisinage géogra­phique. La Méditerranée ne sépare pas les deux régions mais les relie. Les bateaux des migrants clandestins qui traversent la mer tous les jours en sont la preuve. Pour l’Europe, le développement et la stabilité du Moyen-Orient ont une grande impor­tance. L’instabilité dans cette région est synonyme de plus de migrants clandestins, de fondamentalistes et de terroristes et la montée de la droite extrémiste. Si le Moyen-Orient doit se chercher des alliés stratégiques, il doit regarder vers le Nord à travers la Méditerranée .

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique