Alors que la course à la présidentielle américaine entre dans sa dernière ligne droite, le candidat démocrate Joe Biden garde son avance considérable sur le président sortant Donald Trump. Les résultats des sondages nationaux publiés avant le scrutin du 3 novembre donnent à Biden entre 8 et 16 points d’avance sur Trump. Ces sondages sont toutefois à manipuler avec prudence étant donné la particularité du système électoral indirect des Etats-Unis marqué par l’existence d’un « collège électoral », composé de 538 grands électeurs, qui élit le président.
Au niveau national, les sondages montrent le nombre de personnes susceptibles de voter pour un candidat sans tenir compte du collège électoral. Ainsi, toute prédiction définitive faite à partir de leurs chiffres risque d’être incorrecte. Cependant, la marge d’avance importante de Biden réduit ce risque, sans l’éliminer complètement. Dans le système électoral majoritaire aux Etats-Unis, dans lequel le gagnant emporte tout, la marge de victoire dans un Etat devient sans importance. Lors de la précédente présidentielle en 2016, les avances substantielles de la candidate démocrate Hillary Clinton dans des Etats densément peuplés, comme la Californie et New York, ne lui ont pas permis de gagner suffisamment de voix des grands électeurs, tandis que des courses serrées dans les Etats dits « pivots » ou de « champs de bataille » (Swing States), qui peuvent changer de camp d’une élection à l’autre, ont permis à Trump de gagner la majorité des voix au collège électoral.
Lorsque les Américains votent pour le président, ils votent en fait pour des représentants du parti de ce candidat connus sous le nom de grands électeurs. Ceux-ci votent ensuite pour le président au nom de la population de leur Etat. Chaque Etat se voit attribuer un certain nombre de voix de grands électeurs, en fonction du nombre de circonscriptions parlementaires dont il dispose à la Chambre des représentants (chambre basse du Congrès), plus 2 voix supplémentaires représentant les sièges de chaque Etat au Sénat (chambre haute). En tant qu’Etat le plus peuplé, la Californie compte 55 grands électeurs (53 députés et 2 sénateurs), suivi par le Texas qui en compte 38. Les Etats les moins peuplés ne disposent que de 3 grands électeurs. La capitale, Washington DC, se voit également attribuer 3 grands électeurs, malgré l’absence de représentation électorale au Congrès.
Cette méthode d’attribution de grands électeurs désavantage néanmoins les Etats les plus peuplés et avantage les moins peuplés. Ces derniers, comme le Dakota du Nord et du Sud et la Nouvelle-Angleterre, sont surreprésentés en raison du minimum requis de 3 grands électeurs. En même temps, les Etats les plus peuplés, la Californie, le Texas et la Floride, sont sous-représentés dans le collège électoral. L’Etat du Wyoming, par exemple, parmi les moins peuplés, dispose d’une voix dans le collège électoral pour 193 000 personnes contre 718 000 personnes pour la Californie. Cela signifie que chaque grand électeur en Californie représente plus de 3 fois d’électeurs que son homologue dans le Wyoming. Ces disparités se répètent à travers le pays. Le processus de nomination des grands électeurs varie selon les 50 Etats qui composent le pays et les partis, républicain et démocrate, mais se fait généralement de deux manières. Avant la présidentielle, les partis politiques choisissent les grands électeurs lors de leurs congrès nationaux ou sont votés par le comité central du parti.
Une majorité de 270 voix de ces grands électeurs est nécessaire pour remporter la présidence. Le collège électoral fonctionne avec un système dans lequel le candidat qui remporte le plus grand nombre de voix dans un Etat obtient toutes les voix des grands électeurs de cet Etat, sauf dans le Maine et le Nebraska qui répartissent leurs grands électeurs sur une base proportionnelle. En 2016, Clinton a remporté la majorité des suffrages universels avec une avance d’un peu moins de 3 millions de voix. Mais c’est Trump qui a gagné la présidentielle car il a obtenu plus de voix que Clinton au collège électoral. Il a pu le faire grâce à ce système majoritaire qui accorde la totalité des voix des grands électeurs dans chaque Etat où le candidat obtient la majorité des voix des électeurs. Par exemple, Trump a battu Clinton en Floride par une marge qui ne dépasse pas les 2,2 %, mais il a remporté la totalité des 29 voix des grands électeurs de cet Etat. Avec des marges d’avance aussi faibles dans une poignée d’Etats pivots-clés, comme la Pennsylvanie, le Wisconsin et le Michigan, Trump a gagné plus d’Etats que Clinton, et donc, de voix dans le collège électoral et est devenu président.
Partant, le prochain président ne sera pas forcément le candidat qui remportera la majorité des suffrages universels, mais celui qui gagnera le plus d’Etats pivots-clés. Depuis l’an 2000, deux candidats ont perdu la présidentielle bien qu’ils aient remporté la majorité des suffrages, les démocrates Hillary Clinton en 2016 et Al Gore en 2000. En cette année, George W. Bush est devenu président bien que son rival ait remporté le vote populaire par près d’un demi-million de voix. En tout, 5 présidents américains ont remporté le scrutin bien qu’ils n’aient pas obtenu la majorité du vote populaire. Il s’agit, outre Trump et Bush, de Benjamin Harrison (1888), Rutherford Hayes (1876) et John Quincy Adams (1824).
A partir de ce constat, plusieurs aux Etats-Unis, dont des politistes et des juristes, estiment que le système d’élection indirecte est défectueux, car il permet à un candidat qui termine deuxième de remporter la présidence. Ils considèrent en conséquence que le collège électoral viole le principe fondamental de la démocratie, à savoir que tous les votes comptent à égalité. Pour corriger cette déficience, ils cherchent à faire voter par le Congrès un amendement qui abolit le collège électoral et le remplace par un vote populaire direct qui traduit plus fidèlement la volonté des citoyens.
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