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De la normalisation avec Israël

Mercredi, 02 septembre 2020

Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo semble être rentré bredouille de sa tournée arabe, aucun des pays visi­tés n’ayant annoncé une prochaine normalisation des relations avec Israël. Pourtant, c’était l’objectif déclaré de la tournée du responsable américain qui l’a amené, du 24 au 27 août, au Soudan, à Bahreïn et Oman, ainsi qu’à Israël et aux Emirats arabes unis. A son arrivée dans la région, Pompeo a appelé les Etats arabes à mettre fin à leur boy­cott d’Israël.

L’Administration Trump voulait capitaliser sur l’annonce surprise, le 13 août, de l’établissement des rela­tions diplomatiques entre Abu-Dhabi et Tel-Aviv pour encourager d’autres pays arabes à faire de même. La position de la Maison Blanche s’explique par deux rai­sons. La première est de soutenir l’Etat hébreu, notamment le premier ministre Netanyahu — en difficulté sur le plan interne en raison d’accu­sations de corruption — qui entre­tient des rapports personnels avec Trump et son gendre Jared Kushner, haut conseiller à la Maison Blanche qui dirige l’équipe américaine char­gée du conflit israélo-palestinien. Washington aspire aussi à une vic­toire diplomatique au Moyen-Orient qui renforcerait les chances de réé­lection de Trump qui traîne dans les sondages derrière son rival démo­crate Joe Biden. Toute annonce de normalisation entre une capitale arabe et Tel-Aviv serait un coup de pouce salutaire aussi bien pour Trump que pour Netanyahu.

Mais pour le moment, aucun des pays approchés n’a donné de suite favorable. Au Soudan, Pompeo, pre­mier secrétaire d’Etat à se rendre dans le pays depuis 2005, s’est vu notifier par le premier ministre, Abdallah Hamdok, que le gouverne­ment de transition, qui a remplacé l’an dernier le président évincé Omar Al-Béchir et devrait gouver­ner jusqu’aux élections de 2022, n’avait « aucun mandat » pour faire un pas aussi important. De son côté, Bahreïn a fait savoir le 26 août qu’un accord de normalisation avec Israël ne se matérialiserait pas sans l’établissement d’un Etat palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale, rejetant implicitement la pression américaine. Le roi de Bahreïn a indiqué à Pompeo que son pays restait attaché à l’Initiative de paix arabe, qui appelle au retrait complet d’Israël des territoires occupés en 1967 en échange de la paix et de la pleine normalisation des relations avec les pays arabes. Cette position s’aligne sur celle de l’Arabie saoudite, chef de file des monarchies pétrolières du Golfe, dont l’ancien roi Abdallah avait pré­senté ladite initiative de paix au Sommet arabe de Beyrouth en 2002.

A Oman, Pompeo a rencontré le nouveau sultan Haitham bin Tareq, le successeur de Qabous bin Saïd décédé en janvier dernier après avoir dirigé le sultanat pendant presque 50 ans. A l’issue de leur entretien, le gouvernement a passé sous silence la question de normali­sation avec Israël. Ce silence est en accord avec la diplomatie discrète et tranquille qui a marqué l’action extérieure du sultanat tout au long du règne de Qabous.

Le choix de ces trois pays arabes visités par le secrétaire d’Etat ne doit rien au hasard, Washington croyant qu’ils sont les premiers can­didats à une normalisation avec l’Etat hébreu. Oman entretient depuis longtemps un dialogue avec Israël et s’est félicité de l’annonce faite par les Emirats arabes unis de la normalisation de ses relations avec Israël. Le 26 octobre 2018, Netanyahu s’est rendu à Mascate, dans une rare visite d’un respon­sable israélien, où il a rencontré le sultan Qabous. En 1996, le premier ministre israélien d’alors, Shimon Peres, a visité la capitale omanaise pour y inaugurer un bureau de représentation commerciale. Son prédécesseur Yitzhak Rabin a fait en 1994 la première visite d’un chef de gouvernement israélien en Oman.

Bahreïn, dont les contacts avec Israël remontent également aux années 1990, a été le premier pays du Golfe à saluer la décision des Emirats et est considéré par l’Admi­nistration Trump comme le premier candidat à emboîter le pas à Abu-Dhabi. A l’instar de la majorité des pays du Golfe, Bahreïn partage avec Israël un ennemi commun en Iran. Mais à la différence des autres monarchies du Golfe, il se sent par­ticulièrement exposé aux tentatives de déstabilisation de Téhéran que Manama accuse d’avoir fomenté les manifestations de la communauté chiite du pays (62 % de la popula­tion) contre la dynastie sunnite d’Al-Khalifa au pouvoir. En juin, le ministre des Affaires étrangères de Bahreïn, Khaled Al-Khalifa, a déclaré que son pays reconnaissait le droit d’Israël à exister, savait qu’il était « là pour rester » et qu’il vou­lait la paix avec lui.

Quant au Soudan, Washington croit que ce pays est particulière­ment vulnérable à ses pressions compte tenu de la grave crise écono­mique qu’il traverse et des sanctions américaines qu’il subit depuis l’époque d’Al-Béchir. Dès le ren­versement de ce dernier, le Soudan a lancé de vastes réformes sociales et politiques et espère qu’en consé­quence Washington le retire de sa liste des Etats soutenant le terro­risme. Le gouvernement de transi­tion croit que des liens plus étroits avec l’allié israélien des Etats-Unis l’aideraient dans sa démarche. C’est dans ce but que le président du Conseil de souveraineté, Abdel-Fattah Al-Burhan, a rencontré Netanyahu en février pour examiner la normalisation des relations entre les deux pays. Mais le gouverne­ment de transition a nié plus tard qu’Al-Burhan avait fait une telle promesse de normalisation. Le 19 août, le porte-parole du ministère soudanais des Affaires étrangères a été renvoyé après avoir déclaré que son pays était favorable à un accord avec Israël. Le ministre des Affaires étrangères a ensuite déclaré que la question n’avait « jamais été discu­tée par le gouvernement souda­nais ». Ce flottement semble indi­quer des divergences au sein de l’élite gouvernante au sujet des rap­ports avec Israël. Mais le départe­ment d’Etat croit qu’Al-Burhan est en faveur d’une normalisation avec Tel-Aviv et qu’il finira par imposer son point de vue.

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