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L’impact économique du Covid-19 sur l’Afrique

Dimanche, 17 mai 2020

Comme le reste de la planète, l’Afrique subit les contrecoups économiques de la propagation du Covid-19. L’impact— inégal selon les régions et les pays— durera aussi longtemps que les impératifs de la lutte contre le virus imposent de verrouillages nationaux, de fermeture de frontières, d’interruption de liaisons aériennes et de restrictions sur les activités commerciales et économiques.

L’énorme perturbation causée par la pandémie devrait porter un coup sévère aux économies afri­caines et exacerber les fragilités actuelles. La Banque mondiale estime que l’Afrique subsaharienne entrera dans sa première récession en 25 ans, son économie se contractant de 2,1% à 5,1%, en raison de l’impact de Covid-19. La Commission économique de l’Onu pour l’Afrique prévoit pour sa part que la croissance économique subsaharienne passera de 3,2% en 2019 à 1,8% en 2020, l’interdépendance avec les princi­paux partenaires économiques du continent, la Chine, l’Union européenne et les Etats-Unis, provoquant des effets d’entraînement. Selon une récente publication de l’Union Africaine (UA) intitulée « Impact du coronavirus sur l’économie africaine », les écono­mies du continent perdront 4,5% de leur PIB, si la pandémie dure plus de 6 mois. D’autres estimations chiffrent les pertes des économies africaines entre 90 et 200 milliards de dollars cette année.

L’impact économique de coronavirus sur l’Afrique prend plusieurs formes. Une première catégorie de celles-ci regroupe des facteurs endogènes: les mesures draconiennes de prévention de la maladie, tels les couvre-feux, l’interdiction de rassemblements et les restrictions sur les déplacements, entraînent une baisse de la production et de la demande intérieures. Cet état provoque un ralentissement économique, des pertes d’emplois ainsi qu’une forte baisse des recettes fiscales de l’Etat, ce qui élargit le déficit budgétaire à un moment où les autorités publiques doivent aug­menter considérablement les fonds destinés au sec­teur de la santé en vue de lutter contre le virus. La secrétaire de la Commission économique de l’Onu pour l’Afrique, Vera Songwe, relève que le continent aura besoin de 10,6 milliards de dollars de dépenses de santé supplémentaires pour juguler la propagation de Covid-19. L’UA estime que les gouvernements africains perdront de 20% à 30% de leurs recettes fiscales, estimées à 500 milliards en 2019.

Dans un monde globalisé, les facteurs exogènes sont nettement plus importants et profonds touchant les multiples facettes des économies subsahariennes. En premier lieu, la pandémie a provoqué une baisse massive de la demande mondiale sur les exportations africaines de matières premières. Cette chute touche en particulier les hydrocarbures: le pétrole et le gaz naturel. Déjà touchés par la guerre des prix entre l’Arabie saoudite et la Russie, les pays africains pro­ducteurs de l’or noir, tels le Nigeria, l’Angola, le Congo, le Gabon et la Guinée équatoriale, dont les économies dépendent des exportations de pétrole, pourraient perdre jusqu’à 65 milliards de dollars de revenus. Il est estimé que ces exportateurs d’hydro­carbures connaîtront des déficits budgétaires de plus de 10%, tandis que leurs économies reculeront de 3 % en moyenne.

Les autres ressources naturelles et matières pre­mières exportées par l’Afrique, tels le cuivre, le pla­tine, le palladium, le cacao et le café, sont également affectées par la pandémie. Les nombreux Etats— Afrique du Sud, Congo, Rwanda, Namibie, Soudan du Sud et Kenya— dont les économies dépendent fortement des exportations vers la Chine, le plus grand partenaire commercial du continent, devraient particulièrement souffrir du ralentissement de l’économie chinoise.

D’autres secteurs économiques fortement dépen­dants de l’étranger seront gravement atteints, en cas de prolongation de la pandémie. Il s’agit du tourisme et de l’aviation, qui souffrent aujourd’hui d’un arrêt presque total. Les pays où le tourisme représente une part importante du PIB verront leurs économies se contracter en moyenne de 3,3% cette année. Cependant, les principales destinations touristiques de l’Afrique— les Seychelles, le Cap-Vert, l’île Maurice et la Gambie— subiront une contraction d’au moins 7%, selon l’étude de l’UA. Celle-ci estime que le secteur du tourisme perdra au moins 50 milliards de dollars en raison du Covid-19 et au moins 2 millions d’emplois directs et indirects. Toutefois, le secteur le plus durement touché sera le secteur informel, qui représente, selon les pays, entre 30% et 90% de tous les emplois non agricoles et plus de 40% du PIB de nombreux pays africains.

Les transferts de fonds de la diaspora africaine— la plus importante source de devises étrangères du continent au cours des dix dernières années— enre­gistreront une forte baisse, car les Africains vivant à l’étranger ont aujourd’hui du mal à envoyer des fonds vers leur pays d’origine en raison de la stagna­tion économique dont souffrent leurs pays d’accueil. La Banque mondiale estime que les transferts de fonds par les expatriés africains étaient de 49 mil­liards de dollars en 2019, soit 2 milliards de plus qu’en 2018. Dans des pays tels le Zimbabwe, la Gambie et le Liberia, un quart du PIB est composé de ces virements.

Les Investissements Directs Etrangers (IDE) en Afrique devraient connaître à leur tour une diminu­tion brutale. En 2019, les IDE en Afrique subsaha­rienne étaient en augmentation. Mais la Conférence des Nations-Unies sur le commerce et le développe­ment estime que les IDE baisseront de 15% en raison du report ou de l’arrêt des projets dus au coronavirus, les Etats donateurs éprouvant des difficultés à conti­nuer de fournir une aide financière au développe­ment. L’effet conjugué de la baisse des revenus et des investissements et de l’augmentation des dépenses publiques de santé et de soutien à la reprise écono­mique sera de rendre insoutenable le service de la dette extérieure pour de nombreux pays. Le Fonds monétaire international a annoncé qu’il accorderait à 25 pays, dont 19 en Afrique, un moratoire de six mois pour le service de la dette. L’arrêt du paiement pen­dant cette courte période ne suffira sans doute pas et il faudra envisager une restructuration de la dette à long terme, y compris des effacements pour les pays africains les plus pauvres .

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