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Le monde de l’après-corona

Lundi, 04 mai 2020

Les deux tiers des habitants de la terre sont confinés, le déplacement à travers les frontières est interrompu, l’activité économique est quasi suspendue et limitée au minimum nécessaire. Nous sommes face à une grande crise. L’économie mondiale et la légitimité des gouvernements sont soumises à des pressions que l’on n’avait jamais connues depuis la grande crise économique de 1929. A cause de ces pressions, beaucoup d’aspects de la vie que nous avons connus pendant les 3 dernières décennies vont changer. Mentionnons donc quelques changements probables.

Premièrement, il semblerait que l’on se dirige vers une revalorisation de l’économie réelle. En effet, la crise du coronavirus a prouvé que l’essentiel est de satisfaire les besoins nécessaires des habitants de la terre, c’est-à-dire les produits alimentaires, les médicaments et les équipements médicaux. Le défi qui se pose est que les secteurs de l’économie réelle, en particulier dans le contexte des évolutions technologiques rapides, n’est plus en mesure de générer le même nombre d’emplois. C’est-à-dire que le secteur des services reste indispensable. Deuxièmement, le monde se dirige vers une économie d’urgence et non pas une économie de bénéfices. Le système économique actuel a échoué et n’est pas parvenu à garantir les besoins essentiels des populations comme les équipements de protection contre la contamination, les produits désinfectants et les ventilateurs, et ce, malgré les promesses des régimes capitalistes de procurer « n’importe quel produit à un coût raisonnable et à n’importe quel moment ». Le régime capitaliste mondial a donc perdu beaucoup de sa crédibilité. Il s’est avéré que l’économie du bénéfice est incapable de tenir sa promesse et que les gouvernements doivent lancer un système économique d’urgence pour subvenir aux besoins des populations en cas de nouvelle crise.

Troisièmement, le monde a compris qu’il faut réaliser un équilibre entre les produits de luxe et les besoins essentiels. Pendant une longue période, le monde s’est comporté comme si le pourvoi aux nécessités était acquis. C’est pour cela que les investissements et les capacités créatives ont été dirigés vers les domaines du divertissement, des sports et des arts. La crise du coronavirus a mis en avant la nécessité de réaliser un équilibre entre certaines choses.

Quatrièmement, l’on se dirige vers un accroissement du rôle économique de l’Etat et le recul des mécanismes du marché. Il faut introduire d’autres facteurs en plus du bénéfice dans la prise de décision économique. Le bénéfice est l’unique motif de l’investisseur, et il n’est pas réaliste de demander au secteur privé d’adopter une autre logique. C’est pour cela qu’il est probable que la crise du coronavirus mène à un rôle économique plus accru de l’Etat, afin de remédier aux déséquilibres dévoilés par la crise du coronavirus. La fonction de l’Etat est de protéger la société alors que la fonction du marché est de réaliser la richesse et de l’agrandir. Il sera indispensable de redéfinir la relation entre ces deux acteurs dans la phase de l’après-corona.

Cinquièmement, les frontières entre les Etats retrouveront leur importance. A l’ère de la mondialisation, les frontières entre les Etats ont été affaiblies et les restrictions sur les mouvements ont été allégées. Mais ce qui s’est passé pendant la crise du coronavirus est que les frontières entre les Etats ont été fermées face au commerce non essentiel. Avant le coronavirus, tout le monde était égal face aux règles de l’offre et de la demande qui ne connaissaient ni les frontières, ni la race, ni le sexe, ni la couleur. Ce qui importait c’était le pouvoir d’achat. L’interdiction de voyager est une mesure essentielle pour éviter la propagation du virus. Sixièmement, l’on assiste à une nouvelle dimension de la compétition entre la démocratie et l’autoritarisme. La performance de certains régimes autoritaires a été remarquable pendant la crise actuelle, tels la Chine, Singapour et le Vietnam. Il est vrai que pour d’autres, tel l’Iran, la performance a été catastrophique, mais on remarque surtout la performance médiocre de la plupart des démocraties occidentales, et sans les bonnes performances des démocraties asiatiques comme la Corée, Taïwan et le Japon, toutes les démocraties auraient été décrites de « médiocres » dans cette crise.

La crise du coronavirus a montré que les démocraties ne peuvent plus continuer à prétendre que leur performance est plus effective que celle des régimes autoritaires. En fait, la compétence est indépendante de la nature du régime politique. Enfin, le coronavirus a causé la pire crise économique dans le monde depuis 90 ans. Ce qui va déclencher une nouvelle vague de protestations populaires. L’échec de nombreux gouvernements dans la gestion de la crise, en plus des difficultés économiques causées par le gel des activités économiques, causera une vague de protestations populaires et d’instabilité politique. La crise va en outre changer la nature des relations entre les Etats, mais les changements qui vont se produire à l’intérieur des Etats seront beaucoup plus dangereux

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