Que va faire l’Egypte après la volte-face de l’Ethiopie, qui a boycotté ce qui devait être les dernières négociations avant la signature de l’accord final autour du barrage de la Renaissance, parrainées par les Etats-Unis et la Banque mondiale? L’importance de cette question n’émane pas seulement de la gravité de la situation, mais surtout du fait qu’elle met en doute la position de l’Egypte. En effet, la majorité de ceux qui s’interrogent sur les options de l’Egypte sont convaincus que l’Ethiopie se soucie peu de ces négociations et qu’elle ne fait que gagner du temps afin de compléter son projet, entamé au cours de la période d’instabilité qui a suivi la Révolution de Janvier 2011. Et ceux-là n’ont aucun inconvénient à entraîner l’Egypte dans un affrontement armé, convaincus que c’est la seule manière d’exprimer la force de l’Etat égyptien, comme s’il n’y avait pas d’autres moyens d’exprimer cette force.
Ainsi, la façon avec laquelle l’Egypte traite le dossier du barrage de la Renaissance est devenue une porte à travers laquelle ceux-ci s’en prennent à l’Etat égyptien. Il n’était donc pas étrange que les Frères musulmans et leurs tentacules terroristes soutenus par le gouvernement turc adoptent ce point de vue, se réjouissant de chaque trébuchement dans les négociations égypto-éthiopiennes. Or, l’Egypte a adopté, depuis l’arrivée au pouvoir du président Sissi en 2014, une approche concertée, basée sur la nécessité et la possibilité de résoudre pacifiquement tous les problèmes avec l’Ethiopie via les négociations. Par conséquent, l’Egypte a maintes fois réitéré qu’elle n’était pas contre le développement en Ethiopie à condition que ce développement ne porte pas atteinte à la vie des Egyptiens. Si l’eau du Nil est pour l’Ethiopie une question de développement, elle représente pour l’Egypte aussi une question de vie ou de mort. Le processus de développement ne peut avoir lieu si elle souffre d’un manque d’eau. Ce processus de développement implique aussi un environnement régional pacifique exempt de conflits. D’où la déclaration de principe avec l’Ethiopie en mars 2015. Ce texte a déterminé les grandes lignes sur lesquelles doit se baser le processus de négociations entre les deux parties. Des lignes qui servent aussi de référence pour les deux parties en cas de différend au cours du processus de négociation.
Ces négociations ne sont pas un processus facile. Addis-Abeba a fait du barrage un projet national qui mobilise le peuple, une question d’honneur et de souveraineté nationale. Côté égyptien, Le Caire a fait preuve de retenue face aux tergiversations éthiopiennes, jusqu’à ce que l’Egypte ait réussi à amener les Etats-Unis et la Banque mondiale à devenir des intermédiaires dans le processus de négociations, et ce, malgré le refus éthiopien. La stratégie égyptienne de négociation s’est donc basée sur une véritable conviction de l’efficacité des négociations bilatérales et du respect des principes de la légitimité internationale. En fait, cette politique était aussi à l’origine de la retenue du Caire face à toutes les positions éthiopiennes qui manquaient d’esprit coopératif et de sérieux. Le dernier communiqué des ministères égyptiens des Affaires étrangères et des Ressources hydriques en est la preuve évidente.
L’Ethiopie, faisant preuve d’une irresponsabilité inimaginable, a, dans un premier temps, annoncé que cette absence était due au fait qu’elle a besoin de plus de temps pour mieux étudier la question. En réponse, le communiqué égyptien a réfuté ces prétentions, confirmant que les résultats précédemment obtenus en présence des Etats-Unis et de la Banque mondiale étaient le fruit des négociations entre l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan et qu’ils représentent par conséquent un accord qui assure les intérêts communs des trois pays.
Il est clair que l’Egypte s’attache toujours à sa position de parvenir à un accord équitable qui ne lui porte pas préjudice. En outre, elle est consciente que les positions étranges exprimées par Addis-Abeba sont le résultat des conjonctures internes en Ethiopie. Cependant, chaque pays se doit de respecter une politique stable dans la gestion de ses relations internationales. En effet, il est inacceptable qu’un accord aussi important soit complètement soumis aux conjonctures internes.
Pour revenir à la question posée au début, l’Egypte, elle, a répondu à l’absence de l’Ethiopie par plusieurs manières. Premièrement, elle a unilatéralement paraphé l’accord né des négociations préalables. Ce qui signifie qu’il est impossible de revenir sur cet accord. Elle a aussi invité l’Ethiopie et le Soudan à le signer. Deuxièmement, elle a réitéré sa position: poursuivre la voie des négociations qu’elle a empruntée depuis 5 ans. Troisièmement, elle a mis l’accent sur sa position inchangeable que personne ne peut assoiffer les Egyptiens. Se jouer des eaux du Nil est aussi dangereux que l’occupation des terres égyptiennes. L’Histoire n’a jamais enregistré que l’Egypte avait accepté un jour l’occupation de ses terres, se peut-il donc qu’elle accepte qu’une autre partie s’octroie ses eaux ?.
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