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L’Otan et le Moyen-Orient

Lundi, 20 janvier 2020

Le président Donald Trump veut impliquer davantage l’Otan dans les conflits du Moyen-Orient et l’élargir à des pays de la région. L’assassinat le 3janvier par les Etats-Unis du chef de la force ira­nienne Al-Qods, Qassem Soleimani, et les frappes de repré­sailles de l’Iran contre des bases américaines en Iraq ont placé la situation dans la région en tête des priorités du locataire de la Maison Blanche, qui a exhorté l’Otan à participer plus activement aux crises du Moyen-Orient et proposé, le 9janvier, de l’élargir à des pays de la région, sans toutefois spécifier les candidats potentiels. Trump a même avancé un nouveau nom à l’Alliance atlantique élargie : NATO-ME (Otan-MO, du mot Moyen-Orient).

L’idée de Trump répond à un double objectif américain: aider à contenir l’Iran tout en créant le contexte qui permet aux Etats-Unis de se désengager des conflits du Moyen-Orient. Il souhaite que les membres européens de l’Otan s’im­pliquent plus dans le combat contre la République islamique, ce qui autoriserait les Américains à se reti­rer davantage de la région. Il sou­haite aussi que les pays de la région jouent à leur tour un rôle plus important dans l’endiguement de Téhéran. En un mot, l’idée de Trump est de faire en sorte que les Etats européens exercent un rôle militaire plus actif au Moyen-Orient alors que les pays arabes qui adhé­reraient à l’Otan— en particulier les pétromonarchies du Golfe— assurent le financement des opérations militaires.

Mais les principaux alliés euro­péens de Washington, notamment la France, le Royaume-Uni et l’Alle­magne, ne semblent pas partager son idée d’une plus grande implica­tion de l’Otan dans la région. Même si Trump a déclaré que le secrétaire général de l’Alliance atlantique, le Norvégien Jens Stoltenberg, était « ravi » de la perspective de l’ex­pansion du bloc au Moyen-Orient, les principaux membres européens de l’Otan ne sont pas désireux d’élargir leur action militaire dans la région. Premièrement, parce qu’ils ne veulent pas s’y embourber, et deuxièmement, parce qu’ils sont impatients de poursuivre et d’élargir leurs relations économiques, essen­tiellement énergétiques, avec l’Iran. De plus, l’Otan elle-même traverse une période difficile, où tous ses membres ne sont pas sur la même longueur d’onde au sujet de l’Iran et d’autres conflits importants du Moyen-Orient. C’est ainsi que les grandes puissances européennes, contrairement aux Etats-Unis, continuent d’honorer les disposi­tions de l’accord nucléaire de 2015 avec l’Iran. En Syrie, les Américains, les Britanniques, les Français et d’autres alliés font partie d’une coa­lition militaire qui agit en dehors de l’Alliance atlantique. Ce qui, entre autres, a fait dire au président fran­çais, Emmanuel Macron, en novembre dernier, que cette der­nière était « en état de mort céré­brale ».

Au fond, l’idée de Trump n’est pas nouvelle, mais elle revêt une forme nouvelle. Déjà en 2017, l’Administration américaine a voulu créer une coalition informelle composée des six pays du Conseil de Coopération du Golfe (CCG), de l’Egypte et de la Jordanie, pour contrer l’Iran. Elle espérait qu’elle deviendrait la pierre angulaire d’une large coalition incluant Israël. Présentée comme une version arabe de l’Otan, cette proposition d’une « Alliance stratégique pour le Moyen-Orient » s’est rapidement heurtée aux divisions arabes nées de la rupture en juin de la même année entre l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte, d’un côté, le Qatar, de l’autre, autour des politiques régionales de ce dernier et de son soutien aux Frères musulmans, déclarés organi­sation terroriste par LeCaire, Riyad et Abu-Dhabi.

Les Etats-Unis sont revenus à la charge début 2019, lors d’un som­met international réunissant pour la première fois depuis deux décen­nies, les 12 et 13 février à Varsovie, des dirigeants arabes avec un pre­mier ministre israélien. La même crise du Golfe empêchait toute pos­sibilité de formation d’une coali­tion, même informelle. En outre, les pays arabes pressentis pour en faire partie ne souhaitaient pas tous faire de l’Iran un objectif central. La volonté américaine d’inclure Israël posait un autre problème à des capitales arabes qui ne vou­laient pas s’afficher avec un Etat qui usurpe les droits du peuple palestinien. Ces difficultés ont forcé les Etats-Unis à redéfinir l’al­liance comme une coalition plus large, non centrée uniquement sur l’Iran, sans succès.

A vrai dire, l’idée de créer une alliance ou une coalition moyen-orientale n’est pas l’oeuvre de l’Ad­ministration Trump. Elle remonte à plus loin. En 2008, sous la prési­dence de Barack Obama, les Etats-Unis ont proposé de former un nouveau bloc de huit Etats arabes, à savoir les six pays du CCG (Arabie saoudite, Emirats arabes unis, Koweït, Qatar, Oman, Bahreïn), l’Egypte et la Jordanie. Cette alliance, ou « Otan arabe », telle que conçue par Washington, devait former un front commun contre le terrorisme, y compris l’Iran, que les Etats-Unis considèrent comme le principal sponsor du terrorisme. L’idée a été cependant abandonnée en raison des divergences de vue entre les Etats qui devaient en faire partie. Le Qatar, qui entretenait des relations commerciales solides, presque alliées, avec l’Iran, a rejeté l’idée. Le Koweït, tenant à une position de neutralité, ainsi que le sultanat d’Oman qui maintient de bons rapports avec Téhéran, ont choisi de s’abstenir. L’Egypte, esti­mant que l’idée n’était pas claire­ment définie, a également refusé de participer .

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