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Contradictions américaines en Iraq

Mardi, 24 décembre 2019

Les Etats-Unis poursui­vent leur retrait du monde arabe et du Moyen-Orient. Mi-décembre, le département d’Etat a soumis au Congrès des plans détaillés pour réduire consi­dérablement et définitivement le nombre des diplomates américains en Iraq, une mesure qui va à l’en­contre de l’objectif déclaré de l’Administration Donald Trump de contrer l’influence iranienne dans ce pays. Le document envoyé par la secrétaire d’Etat adjointe au Sénat prévoit de réduire le nombre des employés de la mission diplo­matique américaine en Iraq, répar­tis entre l’ambassade à Bagdad et à Erbil dans le Kurdistan iraqien (nord), de 486 à 349, soit une baisse de 28 % d’ici fin mai 2020. La majorité du personnel qui ren­trera aux Etats-Unis appartient au département d’Etat, mais d’autres organes gouvernementaux, notam­ment le ministère de la Défense et l’Agence américaine pour le déve­loppement international (USAID), réduiront également le nombre de leur personnel en Iraq. Cette der­nière baisse intervient après la fermeture l’année dernière du consulat américain à Bassora, chef-lieu du sud de l’Iraq à majo­rité chiite.

En mai dernier, le secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a ordonné à tout le personnel non essentiel de la mission diplomatique améri­caine en Iraq de se retirer du pays en raison de menaces non spéci­fiées provenant de l’Iran, la bête noire des Etats-Unis dans la région. En juillet, le département d’Etat a décidé de rendre perma­nent ce retrait d’urgence. Le document envoyé ce mois au Sénat officialise et spécifie les détails de cette réduction impor­tante de la présence diplomatique américaine. Selon des sources au département d’Etat, l’évacuation brutale de mai dernier a désorga­nisé l’action diplomatique améri­caine en Iraq, car le personnel laissé sur place était insuffisant pour gérer l’influence de l’Iran et d’autres problèmes urgents. Les diplomates américains avaient déjà du mal à mener à bien leur action étant donné les restrictions de sécurité qui dictent leurs dépla­cements. La réduction du nombre de diplomates exerçant des fonc­tions politiques et économiques essentielles rendra ce travail plus difficile.

Depuis l’invasion américaine de l’Iraq en 2003, l’ambassade des Etats-Unis à Bagdad s’est développée en un complexe mas­sif et tentaculaire avec des mil­liers d'employés. Cette imposante présence s’expliquait entre autres par le stationnement de milliers de soldats américains en Iraq, dont le retrait est intervenu fin 2011 sous le président Barack Obama. La guerre contre Daech en Iraq et en Syrie dès l’automne 2014 a obligé les Etats-Unis à dépêcher dans le pays des troupes qui sont aujourd’hui d’environ 6 000 soldats.

Le retrait d’une bonne partie du personnel diplomatique américain intervient alors que Washington s’efforce de repousser l’influence iranienne dans le pays. Plusieurs responsables et législateurs améri­cains estiment que ce repli n’aide­rait pas l’Administration à contrer l’influence iranienne en Iraq et dans la région. Selon des respon­sables américains interrogés par le New York Times, l’Iran a profité de la récente instabilité politique et sécuritaire chez son voisin ira­qien et a acheminé des missiles balistiques de courte portée, afin de réaffirmer son influence. Ces missiles seraient utilisés contre les intérêts américains en Iraq.

Le 12 décembre, les autorités iraqiennes ont annoncé que deux roquettes avaient atterri près d’une base militaire abritant des soldats américains à proximité de l’aéroport international de Bagdad. Le 5 décembre, la base aérienne de Balad au nord de Bagdad a été touchée par deux missiles. La veille, la base de Aïn Al-Assad, point focal de la pré­sence des forces américaines en Iraq (avec 5 200 soldats améri­cains), a été touchée par cinq missiles. Washington croit que l’Iran, sous la coupe de sévères sanctions économiques améri­caines, est à l’origine de cette série d’attaques de missiles avan­cés, qui ont récemment augmenté. Washington a recensé neuf attaques de missiles sur ou à proximité d’installations ira­qiennes abritant des forces améri­caines au cours des cinq dernières semaines. Ces attaques auraient été menées par des groupes chiites iraqiens soutenus par l’Iran.

La République islamique, dont l’influence est prépondérante en Iraq, dispose dans ce pays d’armes et de partisans qui se précipitent pour exprimer leur mécontente­ment à l’égard des politiques de Washington en frappant des cibles américaines. Depuis la montée de la tension dans la région du Golfe entre Téhéran et Washington en été dernier, une série d’attaques ont eu lieu contre des pétroliers et des infrastructures en Arabie saoudite.

Les efforts de l’Administration Trump pour contenir l’Iran en imposant de sévères sanctions économiques ont eu une consé­quence inattendue : Téhéran s’est employé à renforcer son emprise sur l’Iraq. Mais au lieu de resser­rer l’étau sur l’Iran en Iraq, Washington a opté pour un retrait progressif de ce pays. La Maison Blanche invoque deux raisons pour justifier ce repli : Daech étant en grande partie vaincu et la menace du terrorisme en déclin, les Etats-Unis n’ont plus besoin d’une présence active en Iraq. Washington estime aussi qu’il n’est plus très utile de sécuriser des points géographiquement stra­tégiques au Moyen-Orient étant donné que la sécurité des Etats-Unis n’en dépend pas.

Il est vrai que les Etats-Unis ont réussi à diminuer leur dépendance vis-à-vis du pétrole du Moyen-Orient — un fait motivant les tenants du désengagement et des idées isolationnistes — , mais les alliés européens et asiatiques de Washington ont toujours besoin d’un accès ininterrompu aux res­sources énergétiques de la région. Une éventuelle perturbation du commerce maritime régional aurait des implications mondiales immédiates et de grande enver­gure. Mais les Etats-Unis tiennent de moins en moins à défendre les intérêts de leurs alliés, alors même que leur statut de superpuissance en dépend grandement.

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