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L'absence de la culture

Mardi, 26 mars 2019

Ce qui reste de l’âge d’or de la culture égyptienne est limité. Dans certains domaines, il n’y a plus de symboles qui nous rappellent les époques de grandeur. Malgré la tris­tesse qui s’empare de l’individu pour ces époques révolues, il y a toujours l’espoir de voir d’autres noms remplir le vide qui nous entoure et qui nous emplit de nostalgie. Il est d’ailleurs étrange que notre attention soit cen­trée sur des perspectives que les médias nous imposent et devant les­quelles des millions font des pauses quotidiennes. Soudain, on se trouve devant d’autres figures, d’autres fan­tômes qui émergent à tel point d’éclipser les vraies scènes culturelles de créativité, de dialogue, et surtout de valeur. Au milieu de ce tumulte, on se trouve dans une quête inutile de créativité, d’esprit innovateur, pour ne retrouver rien que des chansons superficielles et des idées perverses.

L’un des thèmes-clés favoris non seulement de notre société mais du monde entier est le foot qui est deve­nu le langage d’aujourd’hui et de demain. Ce qui n’est certes pas nocif, mais à une époque donnée, les arts étaient le langage commun entre les individus. Mais, aujourd’hui, les pro­grammes sportifs devancent tous les autres. Les nouvelles, même les plus futiles sur les joueurs de foot, sont publiées sur les réseaux sociaux et affolent les jeunes chômeurs. Les nouvelles et les informations sur la culture sont en faillite et se limitent aux mémoires de générations passées qui ont été rapportées par les journaux et les médias.

Tout cela pour dire qu’il existe cer­tainement une déficience. Le peuple anglais, qui est un grand fan du foot, est toujours intéressé par la lecture des livres sur des thèmes variés. Les théâtres anglais présentent toujours un art raffiné. Les pays parrains de la technologie moderne, comme la Chine et le Japon, continuent à pré­server leurs cultures. Alors que chez nous, contrairement au monde entier, l’absence de culture entraîne un désé­quilibre énorme dans notre société.

Nous avons des dizaines de confé­rences en Egypte, mais très peu sur la culture. Voilà des années que nous n’avons pas assisté à des conférences sur la réforme du discours religieux, par exemple, ou le dialogue avec l’autre. Tout dégringole. Les ques­tions relatives à la créativité ont été enterrées. Pourquoi ne témoignons-nous pas de conférences qui discutent avec objectivité de questions cultu­relles comme la liberté et la critique ?

Nous sommes tous conscients de l’état délabré dans lequel se trouve aujourd’hui notre langue arabe. J’ignore la stratégie de nos institu­tions pour ressusciter la langue arabe. Nous aurions dû organiser une confé­rence pour sauvegarder la langue arabe qui affronte de nombreux défis, à commencer par l’invasion et la pri­mauté des langues étrangères dans les foyers. La Jordanie a par exemple initié un projet pour la sauvegarde de la langue arabe dans toutes les institu­tions de l’Etat.

En ce qui concerne le cinéma, on a vu de nombreux festivals dans toutes les villes de l’Egypte: Le Caire, Alexandrie, Gouna, Louqsor et Assouan. Il me paraît étrange la tenue de ce grand nombre de festivals, alors que le cinéma égyptien vit une crise réelle, que ce soit au niveau de la production ou du marketing. Le Caire, qui produisait environ 120 films par an, se trouve incapable de rivaliser dans le cadre de n’importe quelle compéti­tion mondiale du septième art. Il y a des expériences réussies de certains jeunes, mais qui n’atteignent pas le stade des compétitions internatio­nales. Je ne comprends toujours pas l’absence de culture dans les médias égyptiens, alors qu’à une époque pas très lointaine avec l’absence des chaînes privées, elle était omnipré­sente. Aujourd’hui, avec l’abondance des chaînes privées, il est rare de voir un talk-show culturel. A mon avis, la raison est que ces chaînes dépensent des millions sur les programmes de danse et ne se soucient guère d’éveiller les esprits. Il ne s’agit que de défilés de mode, et il est étrange que les médias égyptiens tombent dans ce piège.

Il existe des points positifs, même s’ils sont rares, mais qui portent tou­jours une saveur égyptienne authen­tique. Je veux parler des colloques et des débats organisés par la Bibliotheca Alexandrina, qui accueille des sym­boles égyptiens, arabes et internatio­naux de la culture. C’est un effort considérable qui a un bon écho. L’Opéra du Caire présente également des soirées d’art raffiné arabe et étran­ger. Dans ce même contexte, l’Opéra de Damanhour et d’Alexandrie et certains palais de la culture dans les gouvernorats contri­buent toujours aux beaux-arts. Rappelons à cet égard également Saqiet Al-Sawi et la plateforme artistique qu’elle présente et espérons que ce modèle sera maintenu.

La vraie fortune de ce peuple est la culture égyptienne, ses arts, la créati­vité de son peuple et son itinéraire historique. Si cette facette culturelle de l’Egypte disparaît, notre perte sera indéniable. Nous sommes au seuil d’une nouvelle phase avec la Nouvelle Capitale administrative et de nom­breuses installations dans le Vieux Caire. Ces immeubles peuvent se transformer en de nouvelles tri­bunes pour la culture égyptienne.

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