« Des solutions africaines aux problèmes africains ». Telle est la philosophie de l’Union africaine pour faire face aux défis chroniques auxquels le continent est confronté, notamment les conflits armés, qu’ils soient d’ordre tribal, racial ou religieux.
Ces conflits sont toutefois problématiques car ils créent toute une série de problèmes, notamment ceux des réfugiés, du recrutement des enfants dans les conflits armés, de l’effondrement total ou partiel des institutions de l’Etat, ce qui fait perdurer ces mêmes conflits.
La Somalie est un exemple de l’effondrement total de l’Etat, suivie du Nigeria, du Mali et du Congo, sans parler des conflits en Angola, en Namibie, au Tchad, au Zimbabwe, au Rwanda, en Ouganda et au Burundi, de la sécession du Soudan du Sud, de la crise du Darfour, de la guerre civile en République centrafricaine et du conflit libyen.
L’initiative « Faire taire les armes » exprime l’espoir de mettre un terme aux conflits qui ravagent le continent africain et qui minimisent les chances de développement et de stabilité. Dans la déclaration solennelle, adoptée par les chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion du 50e anniversaire de l’Union africaine, les dirigeants africains se sont engagés à ne pas léguer le fardeau de la guerre aux prochaines générations, et promis de mettre fin à toutes les guerres en Afrique d’ici 2020.
L’initiative a été lancée lors du 29e Sommet africain en janvier 2017, qui a adopté une feuille de route préparée par le Conseil pour la paix et la sécurité de l’Union africaine et définissant des mécanismes contraignants pour toutes les parties dans l’objectif de mettre fin aux conflits en Afrique d’ici 2020.
L’initiative « Faire taire les armes » vise à s’attaquer aux causes profondes des conflits sur le continent, à empêcher leur règlement par la violence et à créer les conditions propices à une paix et à un développement durables sur tout le continent.
L’initiative attache une importance particulière à la prévention de la circulation illicite des armes en Afrique, étant donné que l’usage généralisé et destructeur des armes légères et de petit calibre est un phénomène caractéristique de tous les conflits quelles que soient leurs causes.
Bien que de nombreux mécanismes aient été mis au point à cette fin, les progrès en matière de contrôle des armes légères illicites sont souvent compromis à cause des ressources humaines et financières limitées, du manque de volonté politique et de la coordination insuffisante entre les parties concernées.
La feuille de route préparée par le Conseil pour la paix et la sécurité de l’Union africaine fait référence à plusieurs mécanismes pour mettre fin aux conflits armés civils et interétatiques :
1. La création du Centre de l’Union africaine pour la reconstruction et le développement post-conflit (CRDPC) qui siègera au Caire et dont l’objectif sera d’aider les pays qui sortent des conflits à évaluer leurs besoins et à développer une vision de reconstruction nationale.
2. La création d’un groupe de travail intersectoriel dont la mission est de faire appliquer les principes de l’initiative en concertation avec la Commission de consolidation de la paix des Nations-Unies.
3. La création d’un mécanisme spécifique au sein du Fonds de consolidation de la paix des Nations-Unies pour le contrôle des armes légères.
4. La désignation de personnalités compétentes pour le suivi de l’initiative et l’élaboration de rapports sur sa mise en oeuvre. Par exemple, en octobre 2017, Ramtane Lamamra, ancien ministre algérien des Affaires étrangères et ancien commissaire de l’Union africaine pour la paix et la sécurité, a été nommé haut représentant de l’Union africaine pour l’initiative « Faire taire les armes »
5. Le mois de septembre de chaque année, jusqu’en 2020, a été désigné comme le « Mois de l’amnistie en Afrique » pour la remise et la collecte des armes légères et de petit calibre. Ceci est lié à la célébration de la Journée mondiale de l’Afrique, le 25 mai, en tant que journée d’amnistie pour ceux qui remettent leurs armes aux autorités nationales chargées de faire appliquer la loi.
6. La mise en place d’un mécanisme de suivi qui engage les Etats membres à informer, à titre annuel, la Commission de l’Union africaine de leurs efforts et des mesures concrètes prises pour faire taire les armes en Afrique d’ici 2020, et ce, afin de faciliter l’évaluation de la situation et permettre un échange d’informations et d’expériences.
Un deuxième niveau concerne la lutte contre la prolifération des armes légères sur le continent.
L’une des démarches les plus importantes a été l’élaboration d’une stratégie combinant les textes déjà signés dans ce domaine, notamment le Protocole de la Communauté de développement de l’Afrique australe sur les armes légères et de petit calibre, le Protocole de Nairobi sur le contrôle, la prévention et la réduction des armes légères et de petit calibre dans la région des Grands Lacs, la Corne de l’Afrique et les Etats limitrophes, la Convention de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest sur les armes et la Convention de Kinshasa pour le contrôle des armes légères et de petit calibre, de leurs munitions et de toutes pièces pouvant servir à leur fabrication, leur réparation et leur assemblage.
Il ne fait aucun doute que l’initiative « Faire taire les armes » représente un espoir politique et humanitaire, mais entre l’optimisme et la confiance dans la noblesse de ses objectifs et la sincérité des efforts déployés pour les réaliser, et le pessimisme face à la situation sur le terrain, il nous faut considérer objectivement certains résultats concrets de cette initiative :
1. L’amélioration des relations entre les pays de la Corne de l’Afrique. L’année 2018 a témoigné de certaines avancées dont un accord de paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée, un accord de coopération entre l’Ethiopie, la Somalie et l’Erythrée et des efforts de médiation entre l’Erythrée et Djibouti.
2. Les mouvements populaires impliqués dans le dialogue pour le règlement des conflits ont uni leurs rangs et choisi leurs représentants dans les processus de négociation. Ils se sont aussi engagés à mettre en oeuvre l’initiative de l’Union africaine « Faire taire les armes ».
3. La transition pacifique du pouvoir au Congo, au Mali et à Madagascar, où des élections ont été organisées avec succès.
4. La signature d’un accord de paix et de réconciliation en République centrafricaine à l’issue d’un dialogue entre le gouvernement et 14 factions armées.
Mais ces résultats n’empêchent pas que des difficultés subsistent face à l’application de l’initiative « Faire taire les armes », dont les plus importantes sont :
1. La multitude et la complexité des conflits africains et la difficulté d’y mettre un terme d’ici 2020.
2. Les acteurs du commerce des armes qui sont souvent impliqués dans des activités terroristes, de contrebande et qui n’ont aucun intérêt à ce que ce problème soit réglé.
3. Les moyens technologiques, techniques et financiers nécessaires à la mise en oeuvre de l’initiative nécessitent la coopération des organisations internationales et des pays riches. Jusqu’ici la Chine est le pays le plus impliqué dans cette initiative avec les Nations-Unies.
4. Le chevauchement des compétences aux niveaux national, continental et international.
Cela dit, l’initiative « Faire taire les armes » fait partie d’un schéma plus vaste, à savoir le Programme de développement durable de l’Afrique de l’agenda 2063. Le succès de l’initiative dépend de plusieurs facteurs, notamment l’engagement de toutes les parties concernées avec l’appui des autres pays africains et des institutions médiatiques, éducatives et culturelles.
*Centre égyptien des études stratégiques (ECSS)
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