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Où va la Libye ?

Dimanche, 24 février 2019

Malgré les différends entre les Libyens, malgré les tentatives de règlement politique menés par l’Onu et malgré l’escalade militaire qui persiste depuis la mi-janvier dans le sud-ouest du pays, les Libyens ont tenu à célébrer, le 17 février, le 8e anniversaire de leur révolution qui a renversé le régime de Kadhafi.

Pendant ces quatre dernières années, la Libye a connu des guerres dont l’objectif était de gagner à la fois sur les terrains politiques, sécuritaires et sociaux. Ces violents affrontements, qui ont fait des milliers de morts et de blessés, ont été menés par des groupes armés de différentes tendances politiques et sociales, dont les parties influentes bénéficiaient du soutien de forces régionales et internationales. C’est ainsi que la lutte contre le terrorisme s’est mêlée à la course pour dominer les puits de pétrole et les passages frontaliers ou pour acquérir une place privilégiée dans les arrangements politiques, sécuritaires, sociaux ou économiques auxquels le processus de règlement de l’Onu devrait aboutir.

Où va la Libye  ?

Ces violents affrontements ont également donné naissance à de nombreuses forces influentes sur le terrain. Grâce au soutien étranger, ces forces possèdent des munitions militaires leur permettant de déclencher des guerres ouvertes les unes contre les autres. Par conséquent, chacune agit en toute indépendance dans sa région. Et ce, loin, d’un côté, de l’autorité centrale implantée dans l’est du pays, où se trouve à Tobrouk le siège du parlement, à Al-Baydaa son gouvernement et la direction des forces de l’Armée nationale libyenne affiliée au maréchal Khalifa Haftar, et de l’autre, l’autorité reconnue par la communauté internationale, dans la capitale à Tripoli, représentée par le conseil présidentiel et le gouvernement d’entente nationale dirigé par Fayez Al-Sarraj.

La relance de la guerre civile mi-2014 avait conduit au réaménagement de la scène de l’après-Kadhafi. En effet, l’opération militaire menée par le maréchal Khalifa Haftar avait permis à d’éminentes figures de l’ancien régime de revenir sur la scène publique et de jouer des rôles politiques et sécuritaires influents. De plus, la signature de l’accord politique, parrainé par l’Onu entre les forces politiques libyennes, a conduit à un autre réaménagement de la scène donnant naissance à trois principaux mouvements. Le premier, représenté par les partisans de la Révolution du 17 février, regroupe de nombreuses forces politiques de différentes régions, notamment de Tripoli et de Misrata qui refusent la militarisation de l’Etat et le retour à l’ancien régime. Le deuxième est représenté par les responsables de l’ancien régime ainsi que par des représentants de la société civile qui refusent les arrangements de l’après-Révolution de février 2011. Ce mouvement a profité de la chance présentée par l’opération militaire de Haftar qui a permis à de nombreuses directions de l’ancien régime de jouer de nouveau des rôles politiques et sécuritaires. Les partisans de cette orientation sont convaincus que le retour de l’ancien régime est la seule réponse à la crise du pays. Quant au troisième mouvement, il est représenté par le maréchal Haftar et ses partisans, convaincus qu’il est le plus apte à diriger le pays. Ce que ses concurrents refusent, car ils y voient une militarisation de l’Etat.

Les différends sont énormes entre ces trois mouvements. Cependant, aucun n’est capable de présenter une vision claire pour remédier à la situation générale dont souffre le pays, en grande partie à cause de la persistance des hostilités entre eux. Ce qui a permis l’infiltration des forces étrangères dans la vie politique libyenne, mais aussi au sein de ces trois mouvements eux-mêmes.

Au milieu de cette scène, la mission d’appui des Nations-Unies en Libye a tenté d’entreprendre une médiation entre les différentes parties impliquées dans cette crise et d’organiser un forum national avec leurs représentants. L’objectif est de former un gouvernement unifié pour diriger ce qui reste de la phase transitoire et de trancher les différends autour de la répartition des pouvoirs et des richesses. Et ce, autour du projet de Constitution présenté par l’Assemblée constituante fin juillet 2017 et des lois organisant le processus des élections législatives et présidentielles.

Cependant, ces tentatives se heurtent à une réalité qui devient de plus en plus compliquée, à cause de l’escalade militaire permanente sur le terrain, des différends entre les forces régionales et internationales impliquées dans le règlement de la crise libyenne et de l’enchevêtrement des intérêts, notamment dans les secteurs du pétrole, du gaz et de la reconstruction.

Malgré les différends qui sévissent au sein du courant de la Révolution libyenne de février, les célébrations du 8e anniversaire de la révolution ont clairement dévoilé cette année une entente entre les différentes forces de ce courant autour du refus catégorique de revenir en arrière, même parmi les partisans de Haftar, déterminés à occuper le devant de la scène publique, après la disparition de la dictature qui a duré plus de 42 ans.

Le règlement politique de la crise libyenne doit être opéré d’une manière graduelle sur tous les niveaux politiques, sécuritaires, sociaux et économiques. Au niveau politique, il est indispensable d’ouvrir un dialogue profond entre les différentes forces et entités politiques, sous l’égide de la mission onusienne, afin de poser les fondements d’un projet politique national.

Au niveau sécuritaire, les solutions actuellement adoptées ne peuvent mener au désarmement des milices ou des forces sociales et politiques sans leur accorder des privilèges en contrepartie leur permettant de renoncer de bon gré à leurs munitions militaires. Cela impliquerait la création d’unités locales de sécurité dans chaque ville et village parallèlement à la construction des institutions officielles de sécurité, à savoir la police et l’armée. Au niveau social, il incombe à l’Onu et à la communauté internationale d’encourager les initiatives et les efforts menés par les entités sociales, qui ont déjà établi avec succès des médiations entre les tribus en conflit durant ces huit dernières années. Sur le plan économique, il est indispensable de renforcer le rôle du secteur privé afin qu’il puisse épauler l’Etat dans ses défis économiques. Il s’avère également nécessaire d’accélérer l’exécution des projets de développement dans les régions qui jouissent d’une certaine stabilité afin d’encourager les autres sociétés locales à suivre la même voie .

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