La remise de la présidence de l’Union Africaine (UA) à l’Egypte non seulement renforce la relation de l’Egypte avec le continent africain, mais reflète aussi son influence grandissante au sein de l’organisation continentale la plus importante et la plus influente d’Afrique.
Dans ce contexte, il incombe au Caire non seulement de contribuer au développement de l’Union africaine, mais aussi de présenter de nouvelles initiatives pour augmenter le poids de l’Union aux niveaux continental et international. Ces initiatives doivent porter sur deux axes, à savoir la force militaire et la force douce. En ce qui concerne le premier axe, il s’agit de développer les capacités militaires de l’UA. En effet, l’Union est souvent incapable d’intervenir efficacement dans les conflits africains armés. Ce qui représente une menace pour certains Etats, notamment dans les pays du Sahel et du Sahara, où le terrorisme est un grand défi. Il est vrai que l’Egypte offre un programme de formation militaire globale et des stages de lutte contre le terrorisme à la plupart des pays africains via l’Académie militaire Nasser. Mais ces efforts sont insuffisants face à l’ampleur et à la nature des défis. Il serait peut-être approprié de rendre effectif le bataillon militaire du nord du continent dont le siège était situé en Libye, et aussi de développer les trois bataillons militaires opérant sur le continent, qui souffrent de problèmes structurels. Cette initiative requiert une certaine coordination avec l’Algérie et le Maroc. Une telle coordination peut porter ses fruits vu la forte présence de l’Algérie au sein des appareils de l’UA et le succès impressionnant réalisé par le Maroc dans sa quête pour établir des liens forts avec l’Afrique au cours de la dernière décennie. Ainsi, l’Egypte doit déterminer sa position face aux efforts militaires français dans le continent.
Au niveau du développement, l’Egypte doit déployer des efforts pour présenter des initiatives créatives qui consolident la coopération économique et commerciale interafricaine. En effet, l’agenda 2063 de l’Union africaine considère que l’un des principaux mécanismes de la coopération interafricaine est la création d’une infrastructure conjointe. Ce qui nécessite un financement de plus d’un trillion de dollars, selon la présidente du commissariat de l’infrastructure au sein de l’UA, Amani Abou-Zeid, lors de la dernière conférence du Conseil égyptien pour les affaires africaines. Dans ce contexte, il convient de lier les projets égyptiens d’infrastructure de l’ouest du pays à l’infrastructure africaine dans le domaine des routes. Il faut aussi repenser à l’idée de l’autoroute Daro-Tombouctou entre l’Egypte et le Mali de l’autoroute Le Cap-Le Caire. L’exécution de ces projets colossaux est une condition sine qua non à la relance des projets de coopération économique et des échanges commerciaux via des partenariats économiques entre les pays africains. Des partenariats basés sur un développement à trois dimensions qui lie sécurité énergétique, sécurité alimentaire et sécurité hydrique.
Ce développement de l’Union africaine doit bénéficier d’un soutien occidental, notamment pour lutter contre le terrorisme et prévenir l’immigration clandestine. Sans renforcer leurs capacités, les pays africains seront incapables d’assurer leur stabilité politique et de protéger leurs frontières. Sans oublier la stabilité interne qui découle d’un développement économique équilibré, susceptible de dissuader les Africains de recourir à l’immigration vers l’Europe.
Pour ce qui est des mécanismes de la force douce, l’Egypte doit adopter des mesures rapides pour faire du continent une seule unité au lieu de cet état de division entre les pays du Nord et du Sud du Sahara, qui a été créé par l’Occident. Une division qui a fait du continent une source de menace terroriste pour l’Occident. La première mesure serait de présenter le contenu du site de l’UA sur Internet en arabe en d’autres langues. Cette mesure viendrait compléter la démarche entamée par l’Egypte en 2000 au cours du sommet de Lomé, lorsqu’elle a proposé l’amendement de l’article 5 de la charte de l’organisation de manière à ce que l’arabe soit l’une des langues de l’UA. Etant donné la réticence encore persistante des instances occidentales qui financent l’UA, l’arabe n’est utilisé qu’au cours des sommets, mais est absent au sein des appareils de l’organisation et de son site officiel. Etant donné que l’Egypte et l’Algérie sont les plus grands financiers de l’UA, accorder plus d’intérêt à cette question augmentera le poids du Nord de l’Afrique au sein de l’Organisation et ouvrira de nouveaux canaux de communication entre le Nord et le Sud du continent à des niveaux non officiels.
Enfin, il est indispensable de mettre en place un discours interne égyptien qui place l’Afrique au coeur du processus médiatique et éducatif égyptiens, afin que le citoyen égyptien soit pleinement conscient de la composante africaine de son identité.
Tous ces efforts internes et externes doivent incomber à un organisme égyptien affilié à la présidence égyptienne, qui propose de nouveaux outils de rapprochement non officiels qui viennent s’ajouter aux efforts diplomatiques égyptiens en Afrique.
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