Que veut le président américain des Palestiniens ? Donald Trump soutient qu’il serait le premier dirigeant des Etats-Unis à pouvoir parvenir à un accord de paix au Proche-Orient à travers son initiative, encore non dévoilée, « le marché du siècle ». En même temps, il ne cesse de prendre des mesures de nature à compromettre toute solution durable dans la région. En mai dernier, il transfère l’ambassade américaine à Jérusalem, qu’il déclare capitale éternelle et indivisible d’Israël, anticipant toute issue négociable sur le statut de la ville sainte et tournant le dos à la demande palestinienne de faire de sa partie orientale la capitale du futur Etat palestinien. Il ignore par là même le caractère spirituel et religieux de l’attachement des Palestiniens à la partie arabe de la ville.
Le 31 août, Washington rend public sa décision de supprimer sa contribution financière à l’Agence des Nations-Unies pour l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA). Les Etats-Unis sont le plus gros contributeur au budget de l’agence, avec 350 millions de dollars sur un total annuel de 2,1 milliards. L’UNRWA a été créée en 1949, un an après la création d’Israël et le conséquent exode de réfugiés palestiniens, qui étaient à l’époque plus que 700 000.
Quelque 300 000 s’y sont rajoutés après la défaite de juin 1967. Ils sont aujourd’hui, avec leurs descendants, plus que 5 millions de réfugiés palestiniens, disséminés dans la bande de Gaza, la Cisjordanie ainsi que dans les pays arabes voisins, la Jordanie, la Syrie et le Liban, qui reçoivent l’aide de l’agence dans l’éducation, la santé et les soins d’urgence. Pour justifier sa décision, le Département d’Etat a qualifié la mission de l’UNRWA d’« opération irrémédiablement défectueuse ». L’Administration Trump veut en réalité une redéfinition du statut de réfugié palestinien, afin d’en exclure les descendants de ceux de 1948 et 1967, ce qui revient à en bannir presque 90 %, étant donné que les réfugiés de la première guerre arabo-israélienne sont presque tous morts aujourd’hui.
Idem pour une bonne partie de ceux de 1967. Cette intention américaine contredit la volonté de l’ensemble de la communauté internationale, représentée par l’Assemblée générale de l’Onu, qui avait créé l’UNRWA et renouvelait son mandat chaque année. La position de l’Administration Trump épouse la vision de Tel-Aviv qui veut réduire le problème des réfugiés à sa simple dimension humanitaire, ignorant son caractère politique. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, avait souvent réclamé que l’UNRWA soit supprimée et que la question des réfugiés palestiniens soit transférée au Haut Commissariat des Nations- Unies pour les réfugiés (UNHCR). Le 8 septembre, Washington annonce la suppression de son aide aux hôpitaux palestiniens à Jérusalem-Est, qui est de 25 millions de dollars par an. Le mois précédent, il a supprimé 200 millions de dollars destinés aux projets de développement en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Ces décisions font suite à la demande de Trump de revoir l’aide américaine aux Palestiniens, dans un sens qui obéit aux « intérêts américains ».
Ces « intérêts » vont dans un sens bien clair : obliger l’Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas à engager des négociations directes avec Israël sur la base du « marché du siècle » américain. Cette initiative, qui épouse la vision et les intérêts d’Israël, a été rejetée par l’Autorité palestinienne et l’ensemble des Etats arabes concernés, car elle implique des concessions sur le statut final des territoires palestiniens que l’Autorité d’autonomie ne pourra pas accepter.
Ainsi, elle réclame d’abandonner la partie arabe de Jérusalem et de faire, à la place, du village d’Abou-Dis, dans la banlieue de Jérusalem, la future capitale de la Palestine. Celle-ci ne serait pas un Etat indépendant, mais entrerait en confédération avec la Jordanie. Cette proposition a été rejetée aussi bien par les Jordaniens que par les Palestiniens, qui se verraient ainsi dénier le droit d’établir leur propre Etat indépendant.
Quant aux Jordaniens, ils voient dans cette confédération une menace à leur propre identité nationale, une « ligne rouge » à ne pas dépasser, selon les termes du roi Abdallah II. L’initiative prévoit aussi de supprimer le droit au retour des réfugiés palestiniens et de réduire la question à sa simple dimension humanitaire qui concernerait uniquement les survivants des guerres de 1948 et 1967. Elle ignore également les frontières de juin 1967 comme base de négociation et prévoit d’accorder aux Palestiniens presque la moitié de la Cisjordanie, offrant à Israël l’autre moitié, y compris les grands blocs de colonies construites illégalement.
La décision du Département d’Etat, le 10 septembre, de fermer la représentation diplomatique de l’OLP dans la capitale américaine est une nouvelle sanction visant, comme toutes les autres précédentes mesures, à forcer les Palestiniens à accepter l’initiative américaine. C’est le premier objectif de la politique de Trump dans le conflit du Proche-Orient. Le second objectif consiste à imposer la position américano-israélienne sur les questions du statut final des territoires palestiniens (Jérusalem, réfugiés), avant la tenue de toute négociation de paix .
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