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La force douce

Dimanche, 30 juillet 2017

Le terme de « force douce » s’est largement répandu ces derniers temps. Il signifie que l’Etat possède une force qui influence son entou­rage régional et international et qui diffère complètement de la force militaire. Les institutions reli­gieuses, les livres, la télé, le cinéma et les institutions éducatives repré­sentent toutes des formes de la force douce. Si nous admettons que le rôle de l’occupation militaire a connu un grand recul pour céder la place à ce qu’on appelle désormais l’occupation culturelle, le discours sur la force douce acquiert alors une grande importance.

Durant les dernières décennies, l’Egypte a fortement influencé son entourage grâce à Al-Azhar, à l’Eglise égyptienne, à l’art et à la culture. Mais son influence a dimi­nué lorsque sa force douce s’est affaiblie et lorsque sont apparues des institutions d’autres pays qui veulent prendre la place de l’Egypte, profitant de leurs atouts économiques. Mais il faut aujourd’hui réfléchir aux moyens de restituer la force douce de l’Egypte, car nous en avons pleine­ment besoin.

La force douce ne dépend nulle­ment des capacités financières, elle dépend essentiellement des res­sources humaines, des mentalités ouvertes et des capacités d’in­fluence. L’Egypte peut souffrir de difficultés financières, mais il est certain qu’elle possède un héritage culturel incomparable à celui de toute autre société qui se croit capable de la remplacer.

Aucune société de la région arabe ne possède Al-Azhar, l’Eglise égyp­tienne, le cinéma, la littérature, les ressources humaines, les monu­ments ni les arts que possède l’Egypte. Tout cela doit nous confé­rer une grande confiance. C’est là le début, puis nous allons essayer de retrouver nos cercles d’influence.

Les éléments de la force douce sont les institutions, les idées et les cadres humains. Nous avons alors besoin d’une réforme institution­nelle et d’un développement insti­tutionnel ou appelez-le comme vous voulez. Bref, il faut que les institutions bénéficient d’une orga­nisation plus souple, qu’elles soient plus productrices, et surtout qu’elles présentent de véritables produits. Il se peut tout à fait que ceci nécessite un changement des lois, un amendement des statuts, une modernisation des bâtiments ou des budgets supplémentaires …

Autre point important, les idées. La société semble souvent aride, incapable de présenter de nouvelles idées, se contentant de reproduire tout ce qui existe déjà, incapable de résonner hors du commun. En général, les nouvelles idées éma­nent des contacts avec les sociétés développées. A travers l’enseigne­ment naissent les nouvelles visions qui peuvent se traduire en projets concrets. Nous n’avons plus besoin d’expliquer la réalité ou de cher­cher les racines des problèmes du passé. Nous avons maintenant besoin d’idées applicables, de solu­tions aux problèmes existants, de visions futuristes …

Enfin vient l’importance des cadres humains. Nous avons besoin de personnes compétentes. Dans le passé, l’Egypte a influencé son entourage grâce à différentes per­sonnalités. Des oulémas, des écri­vains, des journalistes ou des artistes dont les noms sont devenus connus de tous et qui ont acquis une célébrité qui a dépassé les fron­tières du monde arabe pour que leur influence s’étende à l’Afrique, à l’Europe et même à l’Asie. Dans ce contexte se répètent les discours en Egypte autour du besoin grandis­sant d’une nouvelle élite capable d’avoir une influence régionale, mais aussi internationale. Cependant, le mouvement social survenu en Egypte ces dernières années n’a pas réussi à donner nais­sance à des directions jeunes à cause du manque de formation après des décennies d’absence de vie politique, de détérioration du niveau de l’enseignement et d’inexistence des chances de for­mation et de travail.

Mais cela n’empêche pas qu’il existe une élite jeune que les médias ne connaissent pas et dont les partis qui cherchent des acti­vistes pendant les élections ne se préoccupent pas. En avril dernier, l’ambassade de la Grande-Bretagne a organisé une célébration spéciale pour les étudiants égyptiens diplô­més des universités britanniques dont la plupart étaient boursiers. Y ont également participé des per­sonnalités publiques qui ont suivi des études supérieures en Grande-Bretagne. Ces jeunes diplômés en économie, en technologie informa­tique, en ingénierie, en développe­ment ou en gestion possèdent des expériences sérieuses et des empreintes importantes. Certains occupent même des postes-clés dans des institutions publiques. Il s’agit d’une nouvelle élite à laquelle nombreux n’accordent aucune importance. En effet, ceux-ci limitent le terme d’élite aux personnes qui produisent l’art et la littérature ou qui exercent la poli­tique. Ceux-ci ne voient pas cette élite dans les domaines importants dont la société a besoin dans sa course au développement.

Les sociétés évoluent grâce à trois axes : les institutions, les individus et les idées. Le véritable développe­ment ne se réalise pas à travers les débats politiques et les plateaux médiatiques. Il se réalise grâce aux expériences techniques et adminis­tratives capables de diriger les insti­tutions publiques. Le célèbre pen­seur américain Francis Fukuyama a écrit que le Japon, après la seconde guerre mondiale, ne s’était pas reconstruit grâce à l’argent seule­ment, mais surtout grâce à des directions qui ont assumé la respon­sabilité des institutions publiques. Des directions qui possédaient la pensée et la vision et qui ont été capables de répandre une culture motivante dans le travail.

Enfin, tout le monde parle de l’importance de la force douce égyptienne. Il est vrai qu’elle est importante et qu’elle représente une porte importante pour l’écono­mie et la politique. Mais nous devons être sérieux dans l’élabora­tion d’une conception qui réalise les trois axes : la reconstruction des institutions, l’exécution des idées nouvelles et la formation des cadres humains. La force douce ne pourra se réaliser sans une infras­tructure, et c’est là son infrastruc­ture.

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