Plus de 13 mois après l’accord de Skhirat, les perspectives d’un règlement politique demeurent toujours brouillées. Ce statu quo est maintenu à la lumière de conflits sociaux prolongés et l’incapacité des acteurs libyens à avoir une vision nationale commune. Et ce, en vue d’établir un régime de transition aux contours définis pour mettre un terme au chaos post-Kadhafi. Ajoutons à la situation interne tendue l’interventionnisme des forces régionales et internationales et leur désaccord à façonner une identité bien définie pour Tripoli-ouest. Tous ces facteurs versus externes entravent toute tentative de règlement politique.
La crise du règlement politique en Libye s’avère être extrêmement complexe sur deux niveaux. Le premier est articulé autour de la possibilité d’établir un pouvoir central unifié qui servira de référence à la communauté internationale au cas où des efforts seraient déployés dans le sens d’un règlement plus concret dépassant la période transitoire. Il faut mentionner tout de même qu’un tel pouvoir, quoique bénéfique à la communauté internationale, peut demeurer insuffisant pour éradiquer les maux internes de manière palpable. Le second niveau est en rapport à l’instauration d’un lien entre les différents acteurs interlibyens via des dialogues nationaux pour qu’ils soient consensuels autour des questions fondamentales. Ces dernières se rapportent à la distribution des pouvoirs et des richesses, aux droits des minorités et des différentes composantes ethniques et culturelles, jusqu’à la formulation d’une Constitution nationale s’attirant le consensus tous azimuts.
Le règlement politique actuellement initié par la communauté internationale nécessite de convaincre les belligérants libyens que la proposition du pouvoir central pour gérer la période transitoire n’est pas la fin, mais il y a encore un long parcours à traverser. Les parties libyennes impliquées dans le projet de règlement ne comprennent pas non plus qu’elles en sont encore au début du chemin de leur Etat moderne et de l’union : ce qui complique l’obtention de concessions des acteurs principaux et qui sont nécessaires à tourner la page de la transition.
Les accords de paix concernant la Libye, signés le 17 décembre 2015 à Skhirat au Maroc, constitue un cadre pour une transition et accorde la légitimité nécessaire au gouvernement et aux organes gouvernementaux après la fin de l’échéance de la déclaration constitutionnelle promulguée en août 2011. Les institutions issues des accords de paix ont mis en place un pouvoir exécutif composé de deux organes, à savoir le Conseil présidentiel et le gouvernement d’entente nationale, d’un pouvoir législatif formé du Conseil des députés à Tobrouk et le Haut Conseil d’Etat à Tripoli. Conformément à l’accord, le Conseil présidentiel et le gouvernement d’entente nationale sont mandatés de le mettre en vigueur. En effet, cet accord ne s’est pas attiré l’appui fort des principales forces internes et régionales dans la configuration libyenne. Cette mésentente est venue s’ancrer sur fond de divergences autour de la composition du Conseil présidentiel, des prérogatives des institutions issues de l’accord, des arrangements sécuritaires spéciaux et ceux relevant de l’armée et de ses prérogatives.
Les tentatives de révision de l’accord politique libyen sont confrontées à des obstacles majeurs que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur. A l’extérieur, les parties concernées par la crise libyenne semblent être toujours en désaccord, malgré les multiples communiqués officiels sur le soutien de l’accord actuel entre les Libyens. Ce constat est d’ailleurs évoqué par les forces régionales qui font des tentatives pour motiver les principaux joueurs parmi les forces occidentales en vue de parrainer l’opération de révision parsemée de risques imminents. De même, les 3 pays du voisinage, à savoir l’Egypte, la Tunisie et l’Algérie, ont récemment commencé à entreprendre une action intensifiée afin d’inciter les belligérants libyens à aller de l’avant sur la voie de la révision de l’accord de Skhirat. Mais il n’en demeure pas moins que ces efforts restent confrontés à la conjoncture complexe régionale et l’absence de vision des grandes puissances sur le dossier de la Libye.
Quant au front interne, les parties libyennes semblent unanimes au sujet de la révision, mais restent incapables de trancher le différend autour du mécanisme approprié. Et ce, à la lumière du rejet par le Conseil des représentants de l’insertion de l’accord dans la déclaration constitutionnelle, afin de pouvoir y introduire les changements requis conformément au mécanisme stipulé dans l’accord. Selon lequel une commission doit être formée, présidée par le conseiller de la Haute Cour avec le membership de deux représentants du Conseil des députés de Tobrouk et de Tripoli. Si, en l’occurrence, un autre mécanisme de révision est adopté, l’équipe de négociateurs deviendra sujette à des suspicions de la part des différentes parties prenantes, surtout avec le climat de non légitimité qui sévit après la fin de l’échéance de la déclaration constitutionnelle qui gérait les différents organes et institutions libyens. Si les Frères libyens parviennent à s’accorder sur le mécanisme à adopter, ils devront comprendre bien qu’ils ne sont pas en passe d’arriver à la fin de leur parcours, mais qu’il s’agit uniquement d’une étape préliminaire et que d’autres devront la suivre. Vu la conjoncture libyenne difficile, l’accord politique actuel représente la meilleure formule, mais il est nécessaire qu’il soit soutenu par un dialogue national sur les questions sécuritaires avec toutes les parties rivales afin de régler les questions suspendues sur les arrangements sécuritaires et la réforme des appareils compétents. Ceci doit se faire en vertu de l’accord actuellement négocié, sinon le résultat serait le retour à la case départ. Le règlement doit aborder prioritairement le statut des dirigeants militaires et leurs prérogatives ainsi que celui des appareils de la police et de l’armée.
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