De manière franche et sincère, je voudrais dire que la responsabilité de la violence et du désordre qui règnent dans le pays, causés par différentes parties politiques et différents groupes méconnus, retombe sur l’élite politique égyptienne et ses factions, sans exception.
En parlant d’élite politique, il est question d’élite au pouvoir parmi les membres de la confrérie et son parti Liberté et justice, ainsi que des élites politiques libérales de l’opposition, qu’elles soient gauchistes ou révolutionnaires.
L’élite politique a donc contribué à ce qui se passe à cause de la défiance qu’elle pratique depuis l’obtention par les Frères musulmans et les salafistes de la majorité des sièges au Parlement dissous, puis au Conseil consultatif (Chambre haute du Parlement), ensuite l’ascension de Mohamad Morsi à la présidence comme premier président de la République élu. Cette défiance politique est un phénomène général qui concerne autant l’élite du pouvoir que celle de l’opposition. Cette défiance se concrétise dans le désengagement flagrant d’une faction politique déterminée envers les principes qu’elle a prétendu adopter. Le plus important de ces principes avancés par le Parti Liberté et justice depuis qu’il a déposé la candidature de Morsi pour la présidentielle était « coopération et non domination ». Ce qui signifie que le parti n’avait pas l’intention de s’accaparer de l’action politique et qu’il tenait à l’entente politique avec les autres partis, avançant que le président en provenance de la confrérie serait le président de tous les Egyptiens.
Avant son élection, Morsi avait déclaré dans une interview télévisée que son parti adoptait le principe de « coopération et non domination » et avait insisté sur l’importance du dialogue politique avec les adversaires. Cependant, le comportement effectif de Morsi, de son parti et de la confrérie s’est caractérisé par la domination et non la coopération, chose que j’ai mentionné au président lors de sa rencontre avec les intellectuels, les écrivains et les artistes.
Nombreuses situations prouvent cette domination qui a causé la division de la société égyptienne en courants libéraux d’un côté et courants religieux de l’autre.
La plus remarquable de ces situations est l’insistance de la confrérie sur le fait d’avoir l’hégémonie sur l’assemblée constituante chargée de la rédaction de la Constitution, et l’insistance sur le refus des propositions faites par les membres des courants libéraux et modérés de l’assemblée dans sa seconde formation. Et ce, en plus de la précipitation dans la rédaction malmenée de la Constitution et l’organisation du référendum pour sa mise en vigueur sans préparation de la société.
Depuis 2011, je ne me suis pas abstenu d’adresser des critiques aux élites politiques révolutionnaires et libérales qui ont, elles aussi, pratiqué une défiance politique caractérisée par l’irrespect des principes politiques annoncés. En particulier l’engagement aux principes de la révolution, y compris le droit aux manifestations mais de manière pacifique. Or, en pratiquant ce droit, il y a eu une exagération dans le nombre de manifestations organisées parfois sans motif convaincant. Et qui adoptent parfois aussi des slogans provocateurs, comme ceux adressés au Conseil suprême des forces armées quand il était au pouvoir, ou aux adversaires politiques. Dans des articles précédents dans lesquels je m’adressais aux forces révolutionnaires, j’avais écrit : « C’est le moment de la franchise. Il est devenu inutile de faire les louanges méritées des jeunes de la révolution du 25 janvier, puisque leurs rangs ont été défigurés par des groupes sans identités et dont les tendances appellent au doute. Ce qui suscite des questions importantes autour des parties intérieures et extérieures qui les poussent à lever des slogans dangereux ou à adopter des décisions portant atteinte à la sécurité nationale ».
Et dans un autre article intitulé « Les Protestations révolutionnaires et la violence de la foule », j’ai écrit : « Les manifestations se poursuivent avec des appellations et slogans différents partant du Vendredi de la colère jusqu’au Vendredi de la nouvelle voie. Or, ces manifestations ont perdu leur caractère révolutionnaire authentique dominé par l’entente politique entre les différentes factions révolutionnaires autour des revendications, alors qu’il y a eu des divisions entre les courants religieux et les courants libéraux. Et malheureusement, ces divisions ont transformé les manifestations révolutionnaires en violence envahissante de la foule. Ce qui menace les fondations de l’Etat ».
Et dans un troisième article, j’avais abordé la question de « l’hypocrisie flagrante pratiquée par les factions de l’élite politique envers les jeunes révolutionnaires en répétant les slogans révolutionnaires. Alors que les leaders de cette élite n’ont pas eu le courage de critiquer le comportement incorrect, voire destructif, pratiqué par certains jeunes révolutionnaires, en particulier en ce qui concerne l’insistance sur des réclamations impossibles à réaliser ». Et j’ai ajouté : « L’élite culturelle et politique n’a pas pu assumer son rôle dans la critique du chaos de la rue représenté dans l’attaque des forces de sécurité, l’incendie des véhicules de police, l’attaque des commissariats de police et des propriétés publiques et privées, alors que tout cela est fait au nom de la révolution ». Et j’ai souligné : « Le désordre avait envahi la place Tahrir après les premières semaines glorieuses de la révolution, alors que des manifestations s’étaient dirigées vers le Conseil des ministres et avaient empêché le premier ministre Kamal Al-Ganzouri de travailler. Ce comportement chaotique n’a rencontré aucune opposition de la part des intellectuels et activistes qui, malheureusement depuis le début de la révolution, ont affiché leur approbation vis-à-vis des comportements des jeunes de la révolution, même si ces comportements constituent une défiance de la vraie voie révolutionnaire ».
J’ai insisté ici sur le fait de répéter les critiques adressées à toutes les parties ayant participé à la révolution et qui ont trébuché sur le chemin de la phase transitoire pour en arriver à la division actuelle des rangs et pour aboutir à deux blocs en opposition : le bloc libéral d’un côté et le bloc religieux de l’autre.
Reste à espérer que le dialogue auquel a appelé le président Morsi réussira à mettre fin aux aspects de défiance politique avant de sauver le pays du précipice dans lequel il est sur le point de tomber, en raison des tempêtes de destructions, de violences et de terrorisme social.
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