Après six ans de brouille avec Israël, la Turquie a annoncé cette semaine qu’elle était sur le point de conclure un accord avec l’Etat hébreu afin de ramener les relations à « ce qu’elles étaient avant la crise de la flottille palestinienne en 2010 ». Le ministre turc des Affaires étrangères a déclaré cette semaine à l’issue d’une rencontre entre diplomates israéliens et turcs à Londres : « Des pas ont été franchis en vue d’un accord avec Israël ». Celui-ci pourrait être conclu lors d’une prochaine rencontre dont la date reste à fixer.
Les relations diplomatiques entre Ankara et Tel-Aviv ont été totalement rompues après l’incident de la flottille turque en mai 2010, quand le navire Mavi Marmara dirigé par des militants turcs a essayé de briser le blocus israélien de Gaza. Les forces israéliennes ont alors abordé le bateau et ont tué neuf militants dans la mêlée qui a suivi.
La Turquie a demandé qu’Israël s’excuse pour l’incident, mais Israël a refusé. La Turquie a expulsé l’ambassadeur israélien, rappelé son ambassadeur en Israël, suspendu la coopération militaire avec Israël. Mais bien avant l’incident de la flottille, les deux pays étaient déjà en froid depuis que les islamistes de l’AKP ont pris le pouvoir en 2002 en Turquie et ont établi des liens avec des mouvements islamistes palestiniens, notamment le Hamas. D’ailleurs, cette politique turque se pose toujours comme un obstacle à un retour « à la normale » avec Israël. Ankara héberge une partie de la direction du Hamas. Et Israël avait à plusieurs reprises accusé le président turc, Recep Tayyip Erdogan, d’acheter du pétrole à l’Etat islamique et de faire partie de l’infrastructure du groupe terroriste en autorisant notamment à des milliers de djihadistes venus d’Europe de transiter par son territoire vers la Syrie et l’Iraq.
Mais en dépit de ces divergences, la Turquie et Israël ont trouvé des motifs de rapprochement dans leurs intérêts réciproques. La Turquie est en brouille avec la Russie depuis l’abattage par l’armée turque d’un avion de chasse russe au-dessus de la Syrie. Or, Moscou, jusqu’alors principal fournisseur de gaz naturel à Ankara, a décidé en guise de représailles de suspendre toutes ses livraisons de gaz à la Turquie. Depuis, Erdogan est à la recherche d’un nouveau fournisseur. L’idée d’un rapprochement avec Israël se posait tout naturellement. Réciproquement, Israël, qui veut exploiter son énorme gisement offshore de gaz naturel, est à la recherche d’acheteurs potentiels. Un accord avec la Turquie pourrait faire de cette dernière un gros acheteur de gaz naturel israélien. Une bénédiction pour les compagnies gazières israéliennes.
Mais ce n’est pas tout. Un accord turco-israélien permettrait à Ankara de renouer avec son ancien allié régional à un moment crucial. Les turcs sont en effet empêtrés dans la crise syrienne et leur conflit avec les Kurdes a été exacerbé. Parallèlement, le rétablissement des relations avec la Turquie donnerait à Israël un accès à des exercices militaires avec l’Otan dont la Turquie est membre. En effet, tout est question d’intérêts.
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