En proie au chaos depuis de longs mois, la Libye connaît peut-être une lueur d’espoir avec la formation d’un gouvernement d’union nationale. Le nouveau cabinet, prévu par l’accord de réconciliation de Skhirat, est dirigé par l’homme d’affaires tripolitain Fayez Al-Sarraj. Celui-ci a été nommé par le Conseil présidentiel, une instance présidée par M. Al-Sarraj et créée après l’accord de Skhirat parrainé par l’Onu, et signé par des membres des deux parlements libyens rivaux mais non ratifié à ce jour par ces instances législatives.
Fayez Al-Sarraj s’est engagé dans un pari difficile. Il a décidé de s'installer à Tripoli bien qu'il sache qu'il fera face à une virulente opposition de la part du gouvernement (parallèle) non reconnu de Tripoli. Celui-ci est soutenu par une coalition de milices, Fajr Libya, qui contrôle la capitale et qui a déclaré « illégale » l’arrivée du chef du gouvernement soutenu par l’Onu. Mais Al-Sarraj n’avait pas vraiment le choix car s’il était resté en exil en Tunisie, il aurait encouru le risque de perdre sa crédibilité. L’arrivée brusque d’Al-Sarraj à Tripoli a immédiatement fait monter la tension. Le chef du gouvernement a été sommé par les autorités rivales de quitter la ville sur le champ.
La question qui se pose à présent est de savoir si ce gouvernement va tenir et s’il sera capable de stabiliser la Libye. Il est d’emblée confronté à d’énormes défis. Il doit d’abord asseoir son pouvoir et sa légitimité. Une tâche qui s’annonce difficile.
Al-Sarraj tire sa légitimité du fait qu’il est l’un des signataires de l’accord de Skhirat. Or, ce dernier n’a pas été ratifié par le parlement de Tobrouk. Et au sein même du camp du nouveau premier ministre, certains contestent le fait qu’il puisse représenter tous les Libyens. En outre, Al-Sarraj va devoir faire face à l’hostilité des autorités de Tripoli qui ne veulent rien céder. Il sera donc confronté à un exercice d’équilibriste extrêmement compliqué. Il bénéficie cependant de l’appui de la population qui en a assez du chaos politique mais aussi de celui des Occidentaux. Mais outre la légitimité, le gouvernement Al-Sarraj sera confronté au chaos sécuritaire et économique avec au premier plan la lutte contre le groupe Etat Islamique (EI). Ce dernier n’a cessé de renforcer sa présence ces derniers mois en Libye où il compte environ 3 000 combattants. Le groupe terroriste a notamment revendiqué au début du mois deux attentats meurtriers et lancé des attaques visant le croissant pétrolier, situé dans le nord de ce pays qui dispose de réserves pétrolières importantes. Depuis la chute du régime de Muammar Kadhafi, tué en 2011 à la suite d’une révolte soutenue par une intervention militaire occidentale, les milices font la loi dans le pays, sur fond de luttes de pouvoir et de violences sanglantes. La Libye est confrontée aussi aux divisions politiques, tribales et culturelles.
Le soutien à M. Al-Sarraj semble s’expliquer par la lassitude des Libyens devant le chaos sécuritaire et économique et par l’espoir que suscite son gouvernement qui a promis, avec l’aide de la communauté internationale, d’unifier le pays, de bâtir une armée forte et d’améliorer l’économie marquée par une profonde crise de liquidités. Sa mission s’annonce hautement difficile l
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