Je venais de rentrer d’un voyage qui avait duré trois mois dans les pays de l’Afrique de l’Ouest, quand j’ai foncé dans le bureau du Dr Boutros Boutros-Ghali lorsqu’il était rédacteur en chef de la revue Al-Siyassa Al-Dawliya en 1969. L’homme m’a salué avec beaucoup de modestie et je suis resté à lui raconter les dangers que j’avais encourus pendant mon périple. Je lui avais donné un article destiné à la publication intitulé La Propagande israélienne en Afrique. Ce fut le premier article que j’avais signé dans l’une des publications du groupe Al-Ahram. Dr Boutros-Ghali était une personne polie, respectable, distinguée et qui, malgré sa passion pour la politique, l’avait pratiquée avec l’esprit d’un artiste.
Lors des occasions publiques dans lesquelles on se rencontrait souvent, on percevait en lui une grandeur et un orgueil. Son itinéraire était marqué par des batailles politiques farouches dans lesquelles il était un acteur principal face à la puissance mondiale n°1. Les Etats-Unis s’étaient opposés à son élection au poste de secrétaire général des Nations-Unies face aux pressions exercées par le président Français François Mitterrand et le rôle de la diplomatie égyptienne à l’époque. Depuis l’absence de Boutros-Ghali des cercles de décision, les relations égypto-africaines ont connu un franc recul atteignant un stade de détérioration sans pareil.
Dr Boutros-Ghali était un intellectuel au sens propre du terme, un homme de politique et de lettres. Malgré l’amour qu’il vouait à la culture française, la culture arabe est restée l’une des sources intarissables de son expérience humaine. Lors des négociations de Camp David, Boutros-Ghali a été en mesure de résoudre un nombre important de questions compliquées. Lorsque je suis passé par des soucis de santé en 2005 dans l’affaire de la succession héréditaire des postes dans la magistrature, il a insisté pour m’organiser une célébration au Conseil national des droits de l’homme. Ce jour-là, il a décidé de se lever et de m’amener à occuper sa place à la tête de la réunion.
Il a toujours été omniprésent dans les grands événements. Il représentait une voix égyptienne noble et authentique ayant parfaitement foi dans le rôle de l’Egypte au niveau mondial. Il était fier d’avoir été l’un de ceux ayant contribué à façonner l’histoire de la civilisation humaine. Avec le décès de Boutros-Ghali, la diplomatie égyptienne a perdu l’un de ses grands noms et de ses fils loyaux, qui était un exemple de sacrifice et d’altruisme. Les feuilles de l’arbre égyptien tombent les unes après les autres avec le décès de ses visages glorieux. Feu Boutros Boutros-Ghali fut une voix égyptienne qui a retenti dans les coins et recoins des Nations-Unies où il a été un ardent défenseur des droits des peuples à la liberté et à la dignité.
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