Lors d’une réunion cette semaine à Munich du Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG), et au terme de cinq heures d’âpres négociations, la proposition russe en faveur d’un arrêt des hostilités en Syrie avec les rebelles non djihadistes dans un délai d’une semaine a été acceptée par les Occidentaux. Les Etats-Unis et la Russie sont ainsi tombés d’accord, dans la nuit du 11 au 12 février, sur une « cessation des hostilités » afin de relancer le processus de paix et de stopper l’exode de civils. Moscou et Washington ont convenu d’ailleurs que l’accord en question n’implique pas l’arrêt des frappes aériennes contre les positions du groupe Etat islamique, Al-Qaëda et du Front Al-Nosra.
Ce « compromis » n’a pas été facile à obtenir tant les divergences étaient grandes entre les deux superpuissances. Il intervient quelques jours après les pourparlers de paix de Genève entre le régime syrien et l’opposition, qui se sont soldés par un fiasco, en raison des divergences entre les acteurs régionaux et internationaux impliqués dans le conflit syrien. Les Occidentaux accusaient notamment la Russie d’avoir fait cafouiller les négociations en raison de son refus de suspendre ses raids aériens sur la région d’Alep. Des raids qui ont permis au régime de Damas de prendre l’avantage face aux rebelles. Or, ces derniers exigeaient un arrêt des bombardements sur la ville pour poursuivre les négociations.
Mais pourquoi les Russes proposent-ils donc un tel compromis alors qu’ils sont avec leur allié syrien en position de force sur le terrain ? En consentant à une telle initiative, Moscou apparaît comme un faiseur de paix tout en ayant sécurisé la partie occidentale de la Syrie, importante pour le régime de Damas. Une carte que les Russes et leur allié peuvent désormais utiliser. Si théoriquement, l’accord de Munich apparaît comme une percée significative, en pratique, il sera difficile de l’appliquer, surtout que le délai d’une semaine, décidé par les Russes et les Américains, est très court. Les Russes le savent très bien. Ils savent aussi que les Américains rechignent à intervenir militairement en Syrie. En proposant ce compromis, ils offrent à Washington l’option des négociations à travers l’Onu. Mais Moscou sait pertinemment que ces négociations n’ont pas de chance d’aboutir. En attendant, ils ont un prétexte tout prêt pour poursuivre leurs raids en Syrie. L’accord de cessez-le-feu de Munich ne s’applique pas aux groupes djihadistes d’Al-Qaëda et d’Al-Nosra. Or, ce dernier combat dans les rangs rebelles au nord d’Alep. Pour les Russes, et pour les troupes gouvernementales syriennes et leurs alliés, il n’est pas question de stopper l’offensive contre cette organisation, classée terroriste par les Nations-Unies, tant que les autres groupes rebelles n’auront pas clairement annoncé leur rupture avec Al-Nosra. Même chose à Idleb, au nord-ouest du pays, qui est presque entièrement sous le contrôle d’Al-Qaëda. Dans cette province, les Russes et l’armée syrienne affrontent une coalition appelée l’« armée de la conquête », dont Al-Nosra constitue l’une des principales composantes.
Moscou est intervenu dernièrement avec force dans le conflit syrien aux côtés du régime de Bachar Al-Assad, en vue notamment de défendre ses intérêts dans la région, dans un contexte de rivalité avec les Etats-Unis. Et c’est désormais la Russie qui distribue les cartes du jeu .
Lien court: