Après l’échec des pourparlers de Genève 3 (suspendus jusqu’au 25 février) la crise syrienne se complique. Tandis que la Russie annonçait qu’elle n’avait pas l’intention de cesser ses raids aériens contre les rebelles syriens qu’elle juge légitimes, l’Arabie saoudite affirmait être prête à envoyer des troupes au sol (pour soutenir les rebelles syriens). Moscou accuse par ailleurs Ankara de préparer une invasion de la Syrie, et les Occidentaux accusent les Russes d’être derrière l’échec des pourparlers de Genève, en intensifiant leurs frappes aériennes contre les rebelles à Alep.
Les pourparlers de Genève 3, qui avaient réuni, la semaine dernière dans la capitale suisse, des représentants du régime et de l’opposition syrienne, s’étaient soldés par un fiasco. Le régime de Bachar Al-Assad, qui se sent en position de force en raison du soutien inconditionnel de la Russie, refuse de cesser ses bombardements sur Alep où les rebelles sont en grande difficulté et perdent graduellement du terrain. Or, cette dernière exigeait l’arrêt des bombardements et l’accès des populations civiles à une aide humanitaire, comme condition préalable à toute négociation. Ce fut donc un dialogue de sourds, et comme l’expliquait bien un diplomate occidental cette semaine à Genève : « Ni le régime ni l’opposition n’avaient vraiment l’intention de négocier ». Outre ce manque de confiance réciproque, l’opposition syrienne paraît plus divisée que jamais. Et il est peu probable qu’elle revienne à la table des négociations le 25 février.
Les échecs successifs des pourparlers de paix en Syrie ne sont pas l’oeuvre du seul régime syrien et de l’insurrection. Ils sont aussi le fruit d’une « collision des intérêts » entre les grandes puissances impliquées dans le conflit. Car, la Syrie est au coeur d’un conflit extrêmement complexe qui va bien au-delà de ses frontières. Elle est devenue un terrain de confrontation entre acteurs régionaux et internationaux.
Au duel entre la rébellion et le régime de Bachar Al-Assad viennent se greffer un duel farouche entre deux grandes puissances régionales, l’Iran et l’Arabie saoudite, et un conflit d’intérêts entre les Etats-Unis et la Russie, qui signe avec le conflit syrien son retour sur l’échiquier diplomatique international. En annonçant leur disposition à envoyer des troupes au sol en Syrie, les Saoudiens veulent renforcer l’axe sunnite (Arabie saoudite, pays du Golfe, Turquie) face à l’axe chiite formé de l’Iran, de la Syrie et du Hezbollah libanais et soutenu par la Russie.
La Russie, qui a perdu ces dernières décennies beaucoup de terrains face à son rival américain, défend ses intérêts stratégiques en soutenant à outrance le régime de Bachar Al-Assad. Car la Syrie est l’une de ses dernières zones d’influence au Proche-Orient. La Turquie veut, elle, empêcher la création d’un Etat kurde en Syrie et les Occidentaux craignent les répercussions de la crise des réfugiés sur leur sol. Tous ces facteurs font qu’il est extrêmement difficile de parvenir à une solution du conflit syrien. Un conflit qui a fait en cinq ans 250 000 morts et qui a coûté jusqu’à présent 35 milliards de dollars.
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