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La fuite en avant

Dimanche, 10 janvier 2016

La crise entre l’Arabie saoudite et l’Iran risque de compliquer la donne régionale. En exécutant, la semaine dernière, un dignitaire chiite, le cheikh Nimr Baqer Al-Nimr, Riyad s’est attirée les foudres de Téhéran. La crise a atteint son paroxysme avec la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. L’exécution d’Al-Nimr était sans doute un message des dirigeants saoudiens à l’Iran, qu’ils accusent de vouloir étendre son influence dans la région, en soutenant notamment l’insurrection chiite au Yémen, à Bahreïn et au sein même de l’Arabie saoudite. D’ailleurs, le retour de l’Iran sur la scène internationale après l’accord nucléaire de juillet dernier inquiète fortement le Royaume wahhabite. Riyad, qui a le sentiment d’avoir été lâché par son allié américain lorsque les Etats-Unis ont décidé de ne pas intervenir en 2013 en Syrie, et surtout lorsqu’ils ont conclu l’accord nucléaire avec l’Iran, a décidé de « prendre en main » sa propre sécurité. En formant récemment une coalition de 34 pays au Yémen, Riyad a voulu surtout montrer qu’il ne dépendait pas de Washington et qu’il menait sa politique comme il l’entendait.

Le conflit entre Riyad et Téhéran va-t-il tourner à l’affrontement armé ? Cela est peu probable. L’Iran ne veut certes pas saboter son accord nucléaire avec les Occidentaux, et Riyad, déjà aux prises avec les Houthis au Yémen, ne peut pas risquer une guerre. Cependant, le conflit saoudo-iranien va jeter une ombre sur la région, car la guerre que se livrent les deux puissances sur la scène régionale va assurément s’intensifier. En Syrie tout d’abord, où Riyad et Téhéran s’affrontent depuis quelques années par acteurs interposés, le premier en soutenant l’opposition syrienne et le second en soutenant le régime de Damas. La situation dans ce pays risque donc de se compliquer. Alors que les pourparlers de paix doivent reprendre le 25 janvier à Genève, on voit mal comment Riyad et Téhéran, conviés aux pourparlers, pourraient s’entendre sur une issue de la crise syrienne. Et en l’absence d’issue politique en Syrie, le conflit dans ce pays ne peut que s’enliser, et la guerre contre Daech ne peut que piétiner.

L’onde de choc a également atteint l’Iraq, voisin de la Syrie, où plusieurs mosquées sunnites ont déjà été attaquées, et où des voix s’élèvent désormais appelant le gouvernement iraqien à rompre toute relation avec l’Arabie saoudite. Ceci au moment où l’armée iraqienne a repris à l’Etat islamique la ville de Ramadi, capitale de la province d’Al-Anbar. Il est bien connu que l’Iran exerce une forte influence sur les milices chiites iraqiennes qu’il arme et finance. Or, ces milices pourraient relancer la guerre confessionnelle dans la région.

Enfin au Yémen, au sud de la péninsule arabique où l’Iran et l’Arabie saoudite mènent une guerre par procuration, la situation risque aussi de se compliquer. Et on peut déjà s’attendre à une intensification du conflit et surtout à une rupture des efforts de paix. Bref, c’est la région toute entière qui se retrouve entraînée dans un conflit aux conséquences imprévisibles. Une sorte de fuite en avant .

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