Avec la conférence de Rome, organisée dimanche dernier sous l’égide des grandes puissances pour accélérer la formation d’un gouvernement d’union en Libye, la crise libyenne revient sur le devant de la scène. La conférence qui a réuni les chefs des diplomaties américaine et russe, John Kerry et Sergueï Lavrov, des représentants des autres membres permanents du Conseil de sécurité de l’Onu (Royaume-Uni, Chine et France), de grands pays européens et des pays de la région (Maroc, Algérie, Tchad, Niger, mais aussi la Turquie, le Qatar, et les Emirats arabes unis) avait pour but de donner une impulsion à l’accord conclu en octobre dernier, sous l’égide de l’Onu, entre les deux parlements libyens rivaux, celui de Tobrouk à l’est, reconnu par la communauté internationale, et celui de Tripoli. S’il est appliqué, cet accord pourrait permettre la formation d’un gouvernement d’unité nationale en Libye et donc de mettre fin au chaos qui règne dans ce pays depuis la chute de l’ancien président Muammar Kadhafi. « Notre but à présent est d’obtenir un gouvernement d’unité nationale d’ici à la fin de l’année », affirmait dimanche un diplomate européen, même si plusieurs sources occidentales se montrent sceptiques sur la possibilité d’installer un gouvernement à Tripoli en l’absence de solides arrangements sécuritaires.
Deux facteurs essentiels expliquent ce regain d’intérêt des occidentaux pour la Libye. Il y a tout d’abord les récentes attaques terroristes de Paris le 13 novembre dernier et celles au Liban et en Turquie. Ces attaques ont convaincu les pays occidentaux de la nécessité d’une action forte pour relancer les efforts de règlement politique en Libye, qui serait le seul rempart face à l’expansion de l’Etat islamique dans ce pays. Depuis quelques mois en effet, les combattants de l’EI, profitant du chaos qui règne en Libye et de l’absence de pouvoir central, arrivent sur les côtes libyennes en provenance d’Iraq et de Syrie. Ils contrôlent désormais une bande de terre longue de 300 km. Entre 2 000 et 3 000 combattants de l’EI se trouveraient sur le territoire libyen dont 1 500 à Syrte selon l’Onu. L’expansion de l’EI est favorisée par une politique de recrutement à outrance de combattants nord-africains, et les alliances avec quelques groupes djihadistes locaux. L’EI qui possède un camp d’entraînement à Sabratha, près de la frontière tunisienne, cherche à étendre son influence plus à l’est, dans la région d’Ajdabiya, où se concentrent la plupart des gisements pétroliers et gaziers de la Libye. Le groupe terroriste cherche ainsi à reproduire la même stratégie qu’en Syrie, à savoir se financer grâce au contrôle de puits pétroliers.
La présence du groupe en Libye inquiète fortement les Occidentaux qui craignent l’infiltration sur le sol européen de djihadistes venus du territoire libyen. Les côtes libyennes sont situées à 600 km seulement des côtes de Malte et de la Sicile. Les pays du sud de l’Europe, comme l’Italie et la France, seraient particulièrement menacés.
L’autre facteur important est l’immigration clandestine vers l’Europe, véritable casse-tête pour le vieux continent. L’absence de pouvoir central en Libye a favorisé l’immigration clandestine à travers des passeurs opérant à partir du territoire libyen. Or, ces immigrants clandestins constituent un problème pour le sud de l’Europe en raison notamment de l’éventualité d’une infiltration d’éléments de l’EI sur le territoire européen. Faut-il rappeler que l’Egypte a à maintes reprises appelé à une mobilisation internationale pour faire face à l’avènement des groupes extrémistes en Libye ? Aujourd’hui, le bien- fondé de l’approche égyptienne prend toute sa signification .
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